Un touche-à-tout du monde des affaires prend les rênes de la Banque mondiale

Le nouveau président de la Banque mondiale prendra ses fonctions le 2 juin pour un mandat de cinq ans.

Le Conseil des gouverneurs de la Banque mondiale (BM) a élu le 3 mai le patron de Mastercard, Ajay Banga, au poste de président pour un mandat de cinq ans, à compter du 2 juin 2023. Ce spécialiste de la finance et du développement a pour mission de réorganiser l’institution de Bretton Woods afin de lutter contre le changement climatique et les défis du mal développement.

Quatorzième président d’une institution controversée à cause de son inaction face au changement climatique, Ajay Banga, 63 ans, est présenté par le président Joe Biden comme l’homme de la réforme et de la mise en œuvre des partenariats entre privé et public pour lutter contre la pauvreté dans le monde.

Proposé à ce poste en février dernier par le président américain, conformément aux accords de Bretton Woods de 1944, Ajay Banga a formellement été nommé le 3 mai dernier par le Conseil des administrateurs. Il était le seul candidat en lice pour remplacer le président sortant, David Malpass, un économiste et ancien fonctionnaire du Trésor américain qui a servi dans l’administration Trump.

Le président Joe Biden avait annoncé en février que les États-Unis nommeraient monsieur Banga à la tête de la BM parce qu’il est « bien équipé » pour diriger cette organisation impliquée dans le financement de grands projets de développement à travers le monde, dans un contexte de montée des tensions géopolitiques.

La désignation d’Ajay Banga, qui est né et a grandi en Inde, est interprétée par beaucoup d’analystes des institutions de Bretton Woods comme une tentative de Washington de se rapprocher de New Delhi et contrer l’influence chinoise. C’est aussi un geste d’atténuation des accusations d’hégémonie formulées par les grands pays émergents (Brésil, Chine, Inde, Russie…), qui souhaitent, depuis plusieurs années, voir leur place dans les institutions financières internationales se renforcer.

Le Conseil des gouverneurs, l’organe de décision de la Banque, a publié un communiqué dans lequel il se réjouit de travailler avec Ajay Banga. Il laisse entendre que sa priorité sera axée « sur le processus d’évolution du Groupe de la Banque mondiale, tel que discuté lors des réunions de printemps d’avril 2023, et sur toutes les ambitions et les efforts l’institution visant à relever les défis de développement les plus difficiles auxquels sont confrontés les pays en développement

Dès sa désignation par la Maison-Blanche, Ajay Banga a effectué une tournée de promotion de sa candidature et obtenir le soutien d’un maximum de pays, surtout des émergents. L’Afrique du Sud, l’Inde et le Kenya ont activement soutenu sa candidature.

Abdoul Salam Bello, administrateur de la BM représentant 23 pays africains a également réagi en ces termes : « Nous pensons que son expérience sera très importante afin d’aider la BM à renforcer la mobilisation du secteur privé. Lors de notre discussion, il a parlé de solutions pratiques très intéressantes pour renforcer cet engagement du privé. »

Le défi du réchauffement climatique

Ajay Banga se sait attendu sur un dossier brûlant : une montée en puissance du financement de la lutte contre le réchauffement climatique. Les besoins sont énormes. Ils exigeront un financement minimal de 1 000 milliards de dollars par an pour aider les en développement à faire face aux conséquences socio-économiques de ce grand bouleversement.

Bien que les dernières réunions de printemps aient permis à la BM d’augmenter ses capacités de financement de 50 milliards de dollars sur les dix prochaines années, Ajay Banga devra convaincre le secteur privé par une approche de financement par projets pour relever ce gigantesque défi. Le nouveau président en est conscient : « Il n’y a pas assez d’argent, que ce soit dans les banques multilatérales de développement, dans les grands gouvernements du monde développé, dans la société civile, même avec les intentions les plus philanthropiques », a-t-il admis, juste avant sa nomination.

Pour surmonter les difficultés qu’il a parfaitement identifiées, il devra mettre à profit son gigantesque carnet d’adresse. L’Indo-américain a en effet passé plus de trente ans à créer et à diriger des entreprises et organisations de dimension internationale.

Ajay Banga a été le président honoraire de la Chambre de commerce internationale, de 2020 à 2022. Il est également président d’Exor (holding de création d’entreprises) et administrateur indépendant de Temasek, une compagnie d’investissement basée à Singapour. Il est aussi conseiller de General Atlantic et BeyondNetZero, deux autres compagnies d’investissement axées sur le climat.

Le nouveau président de la BM est aussi actif dans le milieu de lobbying économique. Il est administrateur fondateur du Forum de partenariat stratégique États-Unis-Inde et président émérite de la Fondation américaine pour l’Inde.

Il a fondé le Cyber Readiness Institute, un établissement de conseil en cybersécurité. Selon plusieurs sources, il exerce aussi le rôle de vice-président de l’Economic Club de New York et membre de la commission du président Barack Obama sur le renforcement de la cybersécurité nationale. Il a été membre du comité consultatif du président des États-Unis pour la politique commerciale et les négociations.

Il a précédemment siégé aux conseils d’administration de la Croix-Rouge américaine, de la multinationale agroalimentaire Kraft Foods et de l’entreprise de recyclage Dow Inc.

Il a reçu la médaille de la Foreign Policy Association en 2012, la médaille d’honneur d’Ellis Island et le Global Leadership Award du Business Council for International Understanding en 2019, ainsi que la Distinguished Friends of Singapore Public Service Star en 2021.

Carrefour-Soleil

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