L’académie Nobel a surpris le monde en attribuant le Prix Nobel de la littérature à un auteur-compositeur-interprète de chansons. En honorant cet illustre artiste qui a su mettre en musique les colères, les inquiétudes, les joies et aussi l’espoir de ses contemporains, les jurés de Stockholm ont voulu souligner la noblesse et l’importance de la chanson comme part entière de l’art littéraire.
Ce n’est pas un canular ; le Prix Nobel 2016 est bel et bien décerné au chanteur américain Bob Dylan, pour « avoir créé de nouvelles expressions poétiques dans la grande tradition de la chanson américaine », a commenté Sara Danius, secrétaire permanente de l’Académie suédoise, Sara Danius. Elle a décrit l’artiste américain de 75 ans comme un « grand poète » que l’on pourrait comparer aux grands hommes de lettres de l’antiquité tels que Homer et Sappho qui ont écrit des « textes poétiques destinés à être écoutés.»
Ces propos laudateurs de Sara Danius traduisent l’immense respect que le monde littéraire exprime vis-à-vis de ce chanteur contesté à ses débuts par des puristes de la protest-song . Cinquante ans plus tard, ses 492 chansons connues, passées par le filtre du temps et des événements, dévoilent plus que jamais leur pertinence et parlent à toute l’humanité.
Pluie de louanges
Masters Of War, A Hard Rain’s A-Gonna Fall, Like a Rolling Stone et bien d’autres succès dégagent une poésie digne de faire partie du patrimoine littéraire universel. L’Académie des poètes américains a bien compris l’importance de cette distinction en réagissant aussitôt après la publication de la nouvelle. « Le Prix Nobel de littérature attribué à Bob Dylan est une reconnaissance de la tradition littéraire orale. Ce choix rappelle que la littérature existe sous différentes formes. », a déclaré Jennifer Benka, directrice de cette prestigieuse institution. Le président américain lui a emboité le pas en publiant un message sur son compte Twitter : « Félicitations à l’un de mes poètes préférés. Bob Dylan mérite son Prix Nobel », a-t-il écrit.
Toni Morrison, dernière lauréate américaine du Prix Nobel de la littérature en 1993, a déclaré dans un communiqué qu’elle était « heureuse » et que Dylan était « un choix impressionnant. » Salman Rushdie, l’écrivain britannique d’origine indienne, a qualifié Bob Dylan de « brillant héritier de la tradition bardique. Excellent choix. » Joyce Carol Oates, un des grands noms de la littérature américaine s’est exprimé sur les réseaux sociaux en ces termes : « Ses paroles et sa musique envoûtante ont toujours eu une profondeur littéraire. »
Au carrefour de plusieurs cultures
Cette distinction est aussi un majestueux coup de projecteur sur la vie de cet artiste qui a servi la culture américaine sur plus de cinq décennies. La vie de Bob Dylan est d’abord celle d’un homme qui n’a pas hésité, dès son adolescence, à s’abreuver à la source de plusieurs cultures qui irriguent la société américaine. Natif de Duluth, dans le Minnesota, Robert Zimmerman (son nom à l’état civil) a d’abord exploré le style musical d’Elvis Presley avant d’absorber pratiquement tous les styles de la musique américaine.
Ses textes s’inspirent de la Bible et de Herman Melville, célèbre écrivain américain du dix-neuvième siècle. Il a également avoué que beaucoup de ses chansons sont inspirées des œuvres du Russe Anton Chekhov. Ses chansons peuvent prendre un ton accusatoire comme les titres Idiot Wind, et Positively 4th Street. Certaines chansons évoquent l’apocalypse (A Hard Rain’s A-Gonna Fall, par exemple), tandis que d’autres célèbrent la mélancolie (Visions of Johanna), l’absurde (Stuck Inside of Mobile With the Memphis Blues Again) ou la protestation (Blowin in The Wind).
La musique de Dylan et ses paroles ont animé les rêves des jeunes des années 60 et 70, ont galvanisé ces générations pendant le mouvement pour les droits civiques et la guerre du Vietnam. Son influence irradie encore les veines des musiques actuelles, allant du folk à la pop music.
Frank Kodbaye
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