Les zoonoses gagnent du terrain et menacent l’humanité

47% des maladies infectieuses touchant les animaux sont désormais des zoonoses.
La perturbation des équilibres naturels ouvre la voie à de nouveaux franchissements d'espèces.

Près de la moitié des maladies infectieuses animales peuvent désormais contaminer l’homme. Un bond inquiétant alimenté par le réchauffement climatique et la mondialisation des échanges.

Le premier bilan mondial de la santé animale vient de tomber, et il fait froid dans le dos. Publié le 23 mai par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), ce rapport révèle que 47% des maladies infectieuses touchant les animaux sont désormais des zoonoses. Ce terme scientifique désigne les pathologies capables de passer de l’animal à l’homme.

Cette proportion alarmante illustre une réalité que les épidémiologistes redoutaient depuis des années : les barrières entre espèces s’effritent. Les exemples se multiplient avec la peste porcine africaine qui est une fièvre hémorragique foudroyante pour les porcs. La grippe aviaire est aussi en expansion. Elle décime les volailles. La fièvre aphteuse, quant à elle, poursuit sa conquête de nouvelles régions à bas bruit. Elle provoque des ulcères douloureux chez les ruminants.

Le changement climatique bouleverse les écosystèmes, permettant aux virus de coloniser de nouveaux territoires. Parallèlement, l’intensification du commerce international facilite leur propagation à une vitesse inédite. « Aucune région n’est épargnée », prévient Emmanuelle Soubeyran, directrice générale de l’OMSA.

La propagation des maladies infectieuses animales n’épargnent aucune région de la planète.

Un bond de 1800 kilomètres 

L’exemple le plus saisissant reste le « saut » spectaculaire de la peste porcine africaine. En octobre 2024, cette maladie a franchi d’un bond 1800 kilomètres pour atteindre le Sri Lanka, depuis son foyer le plus proche. Un record qui illustre la capacité d’adaptation et de dispersion de ces pathogènes.

Cette pandémie porcine, apparue en Géorgie en 2007, a depuis colonisé l’Europe, l’Asie-Pacifique et l’Amérique. En 2024 seulement, 16 pays ont recensé 6807 foyers, entraînant la mort de plus de 220 000 porcs domestiques. Les sangliers sauvages, véritables « réservoirs » du virus, compliquent drastiquement les tentatives d’éradication.

Ces épidémies successives rappellent les leçons du COVID-19, lui-même probablement d’origine animale. Depuis le Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) en 2003, les scientifiques alertent sur cette « bombe à retardement » zoonotique. Les travaux pionniers du virologue Peter Daszak avaient déjà prédit, dès 2012, que la déforestation et l’urbanisation multiplieraient les contacts entre faune sauvage et populations humaines.

L’histoire récente regorge d’exemples similaires : la grippe H1N1 de 2009 venue des porcs, le virus Nipah transmis par les chauves-souris en Malaisie, ou encore la fièvre Ebola propagée par certains groupes de primates et chauves-souris des forêts tropicales. Chaque émergence confirme la même logique : la perturbation des équilibres naturels ouvre la voie à de nouveaux franchissements d’espèces.

Face à cette multiplication des risques, l’OMSA recommande un renforcement drastique de la surveillance mondiale. Car au-delà des pertes économiques – la peste porcine africaine a déjà coûté des milliards d’euros à l’agriculture mondiale -, c’est la stabilité sanitaire planétaire qui se joue.

Aujourd’hui, cette prophétie se concrétise : sécurité alimentaire, santé publique et biodiversité sont simultanément menacées par cette nouvelle donne épidémiologique mondiale.

Carrefour-Soleil

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