La pandémie du Covid-19 était une catastrophe évitable qui n’aurait pas coûté des millions de vies si le monde avait réagi plus rapidement, selon un panel indépendant de haut niveau. Celui-ci appelle à des changements majeurs et faire en sorte que ce désastre ne puisse plus se reproduire.
Le rapport du groupe d’experts, intitulé Covid-19 : Make it the Last Pandemic, indique que l’Organisation mondiale de la santé a été trop lente et trop timide pour déclarer une pandémie l’année dernière, et que trop de gouvernements ont tergiversé au lieu d’agir pour contenir le virus.
Le panel, présidé par l’ancienne première ministre néo-zélandaise Helen Clark et Ellen Johnson Sirleaf, ancienne présidente du Liberia et lauréate du prix Nobel de la paix, a mis en évidence des « maillons faibles à chaque point de la chaîne » de la gestion de la crise sanitaire qui continue d’endeuiller l’humanité.
Le panel affirme que la préparation de la riposte était incohérente et insuffisamment financée, que le système d’alerte était trop lent et trop faible, et que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’avait pas les moyens d’agir. Il conclut que la réponse a exacerbé les inégalités. « Le leadership politique mondial a été absent », constate le rapport.
« Occasions perdues »
Helen Clark a décrit le mois de février 2020 comme « un mois d’occasions perdues pour éviter une pandémie, car de nombreux pays ont choisi d’attendre et de voir.» Cette passivité a donné le temps au virus SRAS-CoV-2, qui est apparu dans la ville de Wuhan, dans le centre de la Chine, à la fin de 2019, évoluer en une pandémie catastrophique, tuant plus de 3,4 millions de personnes et dévastant l’économie mondiale.
« La situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui aurait pu être évitée« , a renchéri la co-présidente du panel, Ellen Johnson Sirleaf. « Elle est due à une myriade d’échecs, de lacunes et de retards dans la préparation et la réponse », a-t-elle poursuivi. En effet, des médecins chinois ont signalé des cas de pneumonie inhabituelle en décembre 2019 et en ont informé les autorités, tandis que l’OMS a repris les rapports des Centres de contrôle des maladies de Taïwan et d’autres organismes, selon le groupe d’experts.
Mais le comité d’urgence de l’OMS aurait dû déclarer l’urgence sanitaire internationale lors de sa première réunion le 22 janvier 2020 au lieu d’attendre le 30 janvier, selon le rapport. Cet organe de décision de l’OMS n’a pas recommandé alors les restrictions des voyages, en raison du Règlement sanitaire international (RSI) de l’OMS, qui doit être révisé, précise le rapport.
Agir vite et bien
Selon le groupe d’experts, les gouvernements doivent de toute urgence donner à l’Organisation mondiale de la santé le pouvoir d’annoncer de nouveaux foyers de maladie sans avoir à obtenir au préalable l’autorisation du pays hôte si l’on veut éviter de nouvelles pandémies.
Alors même que le monde continue de se débattre avec le COVID-19, il doit mettre en place un système plus solide pour prévenir la prochaine pandémie mondiale « car un nouvel agent pathogène peut apparaître à tout moment », a déclaré l’ancienne cheffe du gouvernement néo-zélandais. « Il n’y a pas de temps à perdre », a-t-elle assené.
Les auteurs du rapport exhortent également les gouvernements du monde entier à permettre aux experts en infection de l’OMS d’avoir un accès immédiat pour inspecter les épidémies partout dans le monde, afin d’éviter les dissimulations et les retards futurs.
Ils estiment que l’émergence d’une autre zoonose est inévitable. La question est de savoir si le monde dispose d’outils nécessaires pour la contenir de manière agressive. Ils appellent les dirigeants de tous les pays à se réunir lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre pour lancer le processus.
Un nouveau système de surveillance et de prévention
Selon eux, les présidents et les premiers ministres devraient s’approprier directement un nouveau système de surveillance et de prévention car « les pandémies constituent des menaces existentielles potentielles pour l’humanité et doivent être élevées au plus haut niveau. » Les dirigeants devraient créer un Conseil mondial des menaces sanitaires et en devenir membres afin de piloter la réforme.
Parmi les autres recommandations clés, les gouvernements qui composent l’OMS devraient augmenter de deux tiers leur financement de l’organisme et lui donner une indépendance financière.
Les gouvernements devraient créer un mécanisme international de financement de la lutte contre les pandémies, en versant des contributions annuelles collectives de 5 à 10 milliards de dollars US sur des engagements de 10 à 15 ans. Cela permettrait au Conseil des menaces sanitaires d’avoir la puissance de feu nécessaire pour débloquer d’urgence 50 à 100 milliards de dollars US lorsqu’une pandémie est déclarée.
Le directeur général de l’OMS, qui a été critiqué par Donald Trump et d’autres comme étant trop faible et redevable à la Chine, devrait bénéficier d’une plus grande indépendance, avec un mandat de sept ans et limité à un seul mandat, a recommandé le panel.
Une nouvelle « plateforme de bout en bout » pour l’approvisionnement en vaccins et autres fournitures sanitaires vitales devrait être mise en place, une version plus grande du système existant d’approvisionnement en vaccins COVAX pour les pays pauvres. Elle permettrait de répondre aux besoins d’urgence en cas de pandémie « de manière rapide et équitable dans le monde entier, en passant d’un modèle de marché à un modèle visant à fournir des biens publics mondiaux ».
Chaque gouvernement devrait créer le poste de coordinateur national de la pandémie, un fonctionnaire qui serait directement responsable devant le chef du gouvernement et qui aurait pour mandat de coordonner l’ensemble du gouvernement en matière de préparation et de réponse à la pandémie.
Le groupe d’experts a été créé en mai dernier à la demande des ministres de la santé du monde entier qui se réunissent dans le cadre de l’Assemblée mondiale de la santé.
Carrefour-Soleil
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