9 ans après leur enlèvement, 92 filles de Chibok manquent toujours à l’appel

Rebecca Kabu entourée par la première dame (droite) et l'épouse du vice-président. Photo: DR

Les services de sécurité du Nigeria ont annoncé la semaine dernière la libération de Rebecca Kabu, l’une des 276 lycéennes de Chibok enlevées par les terroristes de Boko Haram dans le dortoir de leur établissement le 14 avril 2014.

« Elle a été sauvée et rapatriée du Cameroun le 17 juillet et a subi un examen médical intensif et une évaluation physiologique au cours des deux dernières semaines par une équipe d’experts médicaux et psychologiques du bureau de la NSA et de l’agence nationale de renseignement », a déclaré le contre-amiral Yaminu Musa, coordinateur du centre de lutte contre le terrorisme au sein du Bureau fédéral nigérian de la sécurité nationale (NSA).

Rebecca Kabu, kidnappée à l’âge de 13 ans en 2014 est aujourd’hui âgée de 22 ans. Avant de rejoindre sa famille qui vit à Zana, dans l’État du Borno situé du nord-est du Nigeria, la jeune femme a dû subir des examens médicaux et psychiatriques à l’issue desquels elle a été déclarée apte à réintégrer sa communauté d’origine, avec la promesse de bénéficier d’une formation.

Rebecca Kabu est la première captive libérée sous le mandat du nouveau président Bola Tinubu. Ce dernier est entré en fonction le 23 mai 2023. Prudent, il n’a pas pris l’engagement de libérer les filles enlevées par les jihadistes. Son prédécesseur, Muhammadu Buhari, n’a pas pu honorer sa promesse de délivrer toutes les filles kidnappées avant la fin de son mandat. Huit ans plus tard, 92 familles attendent encore le retour de leur progéniture.

La libération de Rebecca Kabu intervient quatre mois après celle de deux autres lycéennes. Hauwa Maltha et Esther Marcus ont recouvré la liberté le 21 avril dernier, suite à une opération militaire entreprise par une unité antiterroriste de l’armée nigériane dans les environs de Maïduguri, la capitale de l’État du Borno. Saratu Dauda, une autre fille de Chibok, a pu regagner sa famille quelques jours plus tard (6 mai).

Hauwa Maltha et Esther Marcus avaient 12 ans lorsqu’elles ont été kidnappées. Elles étaient mariées de force à des djihadistes. Hauwa Marta a été retrouvée enceinte et mère d’un enfant de trois ans. Plusieurs sources ont rapporté qu’elle était mariée à trois djihadistes différents. Esther Marcus a été également mariée deux fois à des djihadistes.

Hauwa Maltha a indiqué à ses libérateurs que le chef historique de Boko Haram, Abubakar Shekau, avait institué la pratique du mariage forcé pour « récompenser » ses hommes. L’ignoble personnage a été abattu en mai 2021 lors d’un affrontement sanglant contre un groupe rival, celui de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap).

Alliances entre jihadistes et bandes criminelles

Depuis l’enlèvement des « filles de Chibok », de nombreuses autres écoles et universités du nord du Nigeria ont subi des attaques ces dernières années, certaines par des djihadistes, mais la plupart des enlèvements massifs sont effectués par des groupes criminels avides de rançons. Les experts font état d’alliances entre les jihadistes et les bandes criminelles qui sévissent par opportunisme.

L’enlèvement de 110 filles dans une école de la ville de Dapchi en février 2018, dans l’État de Yobe (nord-est), ainsi que le kidnapping de 300 garçons fin 2020 dans l’État de Katsina (nord) illustrent cette pratique criminelle qui n’épargne aucune région du pays.

L’organisation Acled estime qu’il y a eu cinq fois plus d’enlèvements au Nigeria en 2022 qu’au Mexique et en Colombie, qui sont connus pour ce type de crime combiné. Les zones rurales ont été particulièrement touchées, dévastées par le paiement des rançons, et certaines entreprises dépensent des milliards de dollars pour protéger leurs employés.

Un communiqué de presse d’Amnesty international publié le 14 avril 2023 rapporte qu’au moins cinq cas d’enlèvements massifs ont été signalés dans le nord du Nigeria, entre décembre 2020 et mars 2021. Ces événements tragiques se sont déroulés dans des écoles de Kankala, Kagara, Djangebe, Damishi Kaduna, Tegina et Yauri, et environ 600 autres écoles dans le nord du Nigeria.

Outre la peur d’envoyer ses enfants à l’école, ce fléau impacte durablement les conditions socio-économiques des familles touchées. Celles-ci doivent vendre leurs maisons, leurs biens et leurs terres pour payer les rançons. Pour les plus modestes (agriculteurs et éleveurs), les rançons oscillent entre 200 000 et 2 millions de nairas (470 € à 4 700 €), selon les experts.

La situation exacerbe aussi l’insécurité alimentaire dans les zones reculées. Car les paysans ne vont plus aux champs de peur d’être kidnappés. L’économie rurale est ainsi paralysée dans la première puissance économique du continent africain.

Carrefour-Soleil

Be the first to comment

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*