Royaume-Uni – Rwanda : qui paiera les 50 millions de livres sterling ?

Les tensions entre Londres et Kigali mettent en lumière les conséquences financières et diplomatiques d'un programme qui a déjà coûté aux contribuables britanniques quelque 700 millions de livres sterling pour un résultat dérisoire.
La Britannique Priti Patel et le Rwandais Vincent Biruta ont donné le coup d'envoi d'un partenariat qui ne donne satisfaction à aucun parti.

La facture du programme migratoire avorté est au cœur d’une crise diplomatique entre Londres et Kigali.

Le Rwanda vient de réclamer officiellement 50 millions de livres sterling au Royaume-Uni pour l’annulation de son controversé programme d’expulsion de migrants, intensifiant une crise diplomatique déjà tendue entre les deux nations. Cette demande survient dans un contexte où le gouvernement travailliste britannique, bien qu’ayant annoncé son intention d’abandonner ce dispositif dès son arrivée au pouvoir, n’a toujours pas officiellement mis fin à l’accord.

L’affaire met en lumière les conséquences financières et diplomatiques d’un programme qui, selon la ministre de l’Intérieur Yvette Cooper, a déjà coûté aux contribuables britanniques quelque 700 millions de livres sterling pour un résultat dérisoire : seulement quatre migrants envoyés volontairement au Rwanda. Le montant réclamé correspond au paiement prévu pour avril 2025, auquel le Rwanda avait initialement accepté de renoncer.

« Le Royaume-Uni avait demandé au Rwanda de renoncer discrètement au paiement lorsqu’il ne pourrait plus transférer d’autres migrants, car sa notification officielle de résiliation était imminente », a déclaré Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais. « Cette demande était fondée sur la confiance et la bonne foi existant entre nos deux nations. Cependant, le Royaume-Uni n’a pas formellement mis fin au traité comme convenu, a-t-elle argumenté.

La situation s’est envenimée la semaine dernière lorsque David Lammy, ministre britannique des Affaires étrangères, a suspendu l’aide au Rwanda et menacé de nouvelles sanctions en raison du soutien présumé de Kigali au groupe armé M23 très actif en République démocratique du Congo (RDC). Ces mesures incluent la suspension de l’aide financière directe, de nouvelles désignations de sanctions potentielles, l’arrêt de la formation en matière de défense, le réexamen des licences d’exportation et la limitation des promotions commerciales.

Vives réactions à Kigali

Le gouvernement rwandais a vivement réagi, accusant Londres d’avoir rompu « la confiance et la bonne foi » par des « mesures punitives injustifiées ». Kigali a également reproché à Lord Collins, ministre britannique chargé de l’Afrique, d’avoir fait des commentaires qui « ont induit le public en erreur » et « alimenté la machine de propagande de la RDC » en suggérant des liens entre le Rwanda et les Forces démocratiques alliées (ADF), un groupe armé ougandais qui opère dans le nord-est de la RDC. Lord Collins est revenu sur ses propos par la suite.

L’accord migratoire, signé sous le gouvernement conservateur précédent, prévoyait un versement initial de 220 millions de livres sterling effectué en février 2024, suivi de trois paiements de 50 millions chacun en avril 2024, 2025 et 2026. Une clause permettait au Royaume-Uni de résilier le contrat à tout moment sans effectuer de nouveaux paiements, la résiliation prenant effet trois mois après notification, selon le National Audit Office, l’organisme indépendant de surveillance des dépenses publiques au Royaume-Uni.

Le ministère britannique de l’Intérieur prévoit de mettre fin à cet accord le plus vite possible. Mais cette abrogation ne devrait pas être adoptée par le Parlement avant l’été. Dans l’intervalle, cette ambiguïté juridique semble avoir ouvert la porte à la réclamation rwandaise.

Un porte-parole du gouvernement britannique a réaffirmé la position de Londres : « Le ministre de l’Intérieur a clairement indiqué que le coûteux partenariat pour la migration et le développement économique avec le Rwanda gaspillait l’argent du contribuable et ne devait pas être maintenu. » Il a ajouté que les ressources avaient été redéployées vers « l’intensification de l’activité de retour des personnes n’ayant pas le droit d’être ici », soulignant que « près de 19 000 personnes ont été renvoyées depuis juillet ».

Cette crise illustre les difficultés des transitions politiques en matière de relations internationales et met en lumière les enjeux financiers, diplomatiques et humanitaires des politiques migratoires européennes, dont le coût, tant économique que diplomatique, s’avère considérable.

Carrefour-Soleil

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