Pourquoi la tempête Daniel est la plus meurtrière de l’histoire de l’Afrique

Les destructions causées par la tempête Daniel étaient beaucoup plus importantes en raison de facteurs tels que la construction dans des zones inondables, la déforestation et les conséquences du conflit en Libye.

Plus de dix jours après les inondations dévastatrices, la ville libyenne de Derna n’est plus qu’un gigantesque tas de ruines. Quelles sont les causes de ce désastre hors norme ?

Des milliers de personnes ont été tuées et, selon les équipes de recherche, de nombreux morts se trouvent encore sous les décombres ou en mer. Les responsables gouvernementaux et les agences d’aide ont donné des bilans variés allant de 4 000 à plus de 11 000 morts.

La tempête Daniel qui a frappé l’est de la Libye, et plus particulièrement la ville de Derna, a été la plus meurtrière jamais enregistrée en Afrique. La catastrophe a laissé un paysage de désolation : ponts coupés en deux, voitures renversées, camions fracassés, poteaux électriques et arbres déracinés et effets personnels maculés de boue.

De toute évidence, le bilan provisoire dépasse les inondations de 1927 en Algérie (3 000 morts) en tant que tempête la plus meurtrière en Afrique depuis 1900, selon les statistiques de l’EM-DAT, la base de données internationale sur les catastrophes. La tempête Daniel est également la plus meurtrière au niveau mondial depuis au moins 2013, lorsque le super typhon Haiyan avait tué 7 354 personnes aux Philippines.

L’Organisation internationale pour les migrations a déclaré mercredi qu’au moins 30 000 personnes avaient été déplacées à Derna, ainsi que 3 000 à Al-Bayda, 1 000 à Al-Mkheley et 2 085 à Benghazi.

L’agence humanitaire des Nations Unies OCHA a déclaré jeudi que 884 000 personnes directement touchées par la tempête et les crues soudaines dans cinq provinces avaient besoin d’aide d’urgence.

Le phénomène météorologique meurtrier qui a ravagé la Libye le 10 septembre a d’abord frappé la Bulgarie, la Grèce et la Turquie cinq jours plus tôt.  Connu sous le nom de medicane – mot-valise formé des mots « Méditerranée » et « ouragan » (« hurricane » en anglais) – il est semblable aux ouragans et aux typhons.

La tempête Daniel a touché terre sur la côte est de la Libye, près de la ville de Benghazi, dans le nord-est de la Libye. Elle a touché Benghazi avant de se diriger vers les villes de Shahat, Al-Marj, Al-Bayda, Susa et Derna, dans le district de Jabal al-Akhdar. Elle a apporté des précipitations record. Entre le 9 et le 11 septembre, plus de 100 mm de pluie ont été enregistrés. La station d’Al Bayda, près de la côte, a enregistré 414 mm de précipitations, soit la plus forte quantité jamais enregistrée en 24 heures. Habituellement, la région ne reçoit qu’environ 1,5 mm de pluie pour l’ensemble du mois de septembre.

Vu sa puissance, la tempête Daniel n’a rien à voir avec les cyclones méditerranéens qui se forment généralement à l’automne, lorsque la mer est chaude, en Méditerranée occidentale et dans la région située entre la mer Ionienne et la côte nord-africaine.

Effet du changement climatique

Cette anormalité a été décryptée dans un rapport du groupe World Weather Attribution (WWA). Son équipe de climatologues affirme que les fortes précipitations qui ont dévasté Derna et ses environs ont été rendus plus probables par le changement climatique résultant des émissions de gaz à effet de serre. Les experts expliquent que le réchauffement dû à l’activité humaine a multiplié par 10 le risque de fortes précipitations en Grèce, en Bulgarie et en Turquie, et par 50 en Libye.

Pour quantifier l’effet du changement climatique sur les fortes pluies dans la région, les scientifiques ont analysé les données climatiques et les simulations de modèles informatiques afin de comparer le climat actuel, après un réchauffement global d’environ 1,2°C depuis la fin des années 1800, avec le climat du passé, en suivant des méthodes évaluées par des pairs.

L’étude a révélé aussi que les destructions causées par les fortes pluies étaient beaucoup plus importantes en raison de facteurs tels que la construction dans des zones inondables, la déforestation et les conséquences du conflit en Libye.

Facteur aggravant : l’effondrement de deux barrages situés non loin de Derna et d’Abu Mansur, tous deux vieux d’une cinquantaine d’années, ont permis à un mur d’eau de s’abattre sur le cœur de la ville, le long de l’oued Derna, qui est un lit de rivière asséché pendant la majeure partie de l’année. Se frayant un chemin de quelque 100 mètres de large, les eaux de crue ont inondé certains bâtiments et en ont fait s’effondrer d’autres.

Les habitants de Derna ont subi de plein fouet la catastrophe à cause de l’absence d’un système d’alerte. Aucune instruction d’évacuation n’a été donnée à l’approche de la tempête. Le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), Petteri Taalas, a déclaré que les victimes auraient pu être évitées si le « pays divisé » disposait d’un « service météorologique fonctionnel » capable d’émettre des alertes.

Les Nations unies ont prévenu cette semaine que des épidémies pourraient provoquer « une deuxième crise dévastatrice » dans les zones touchées par les inondations. Les autorités locales, les organisations humanitaires et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’inquiètent du risque d’épidémie, en particulier à cause de l’eau contaminée et du manque d’assainissement.

Le Centre libyen de contrôle des maladies a prévenu que l’eau de distribution dans la zone sinistrée était polluée et a exhorté les habitants à ne pas l’utiliser.

Selon plusieurs experts, des événements comme celui qui s’est produit en Libye sont beaucoup plus susceptibles de se produire en raison des émissions de gaz à effet de serre des 150 dernières années et qu’il y a maintenant environ 10 % de vapeur d’eau en plus dans l’atmosphère.

Carrefour-Soleil

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