Les putschistes nigériens doivent faire face à un ennemi redoutable : la faim !

Les familles vulnérables du Niger ont du mal à accéder aux aliments de base, à cause de la fermeture des frontières. Photo:DR

Plusieurs organisations humanitaires présentes au Niger alertent sur la multiplication de foyers de malnutrition touchant les enfants de moins de cinq ans dans les régions de Tahoua, Maradi et Zinder.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) qui a programmé la livraison de 9 300 tonnes de nourritures, dont des aliments spécialisés pour le traitement et la prévention de la malnutrition, n’arrive plus à organiser l’acheminement des vivres. Ses convois sont bloqués entre le port de Lomé, au Togo, et la frontière du Bénin.

L’Unicef estimait avant le putsch que ce pays sahélien comptait 1,5 million d’enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition, dont au moins 430.000 souffrant de la forme la plus mortelle de malnutrition.

Selon le PAM, La crise alimentaire pourrait très rapidement toucher plus de 160 000 enfants et leurs familles en octobre, si les frontières ne sont pas ouvertes. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a interdit le commerce avec le Niger après que les militaires ont renversé, le 26 juillet, Mohamed Bazoum, le président démocratiquement élu. Environ 80 % des importations du Niger (pays enclavé) transitent par le port de Cotonou, au Bénin.

À la frontière avec le Bénin, des centaines de camions sont bloqués et le seul pont traversant le fleuve Niger est encombré de camions et de conteneurs à l’arrêt.

Le Niger partage ses frontières méridionales avec le Nigeria, le Burkina Faso et le Bénin, membres de la CEDEAO, mais il s’agit également d’un axe commercial majeur avec d’autres membres voisins du bloc régional, tels que le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire.

« Nous ne pouvons pas permettre que les enfants du Niger soient coupés d’une ressource nutritionnelle aussi essentielle. Pour éviter une crise nutritionnelle grave, les approvisionnements doivent parvenir au pays. Si ce n’est pas le cas, les conséquences se mesureront en infections graves et en décès évitables », a déclaré Jean-Noël Gentile, directeur national et représentant du PAM au Niger.

La spirale de l’augmentation soudaine des prix des produits alimentaires, suite à la prise de pouvoir par le général Tiani, ne permet pas d’envisager l’hypothèse du scénario le plus optimiste sur l’évolution de cette crise alimentaire. Le prix moyen du riz et du sorgho dans le pays a bondi de 21 %. Exemple : un sac de 25 kilos coûte maintenant 14 500 francs CFA (environ 25 dollars) contre 11 500 francs CFA avant le coup d’État.

Un enfant de moins de cinq ans sur deux souffre d’une forme ou d’une autre de malnutrition au Niger.

Photo:PAM

La faim menace au moins 13 % de la population

Juste avant le putsch, 3,3 millions de personnes, soit environ 13 % de la population, souffraient déjà d’une faim aiguë, la deuxième en importance depuis le début des évaluations en 2012. Un enfant de moins de cinq ans sur deux souffre d’une forme ou d’une autre de malnutrition au Niger, selon les experts du PAM.

Ils surveillent particulièrement la situation nutritionnelle préoccupante dans les régions difficiles d’accès comme le nord de Tahoua, le nord de Tillabéry et certaines villes de la région de Dosso.

« La suspension du soutien nutritionnel du PAM risque d’exacerber la malnutrition infantile dans un pays où les familles vulnérables ont déjà du mal à accéder à des aliments nutritifs en raison des pénuries saisonnières, de la hausse des prix des denrées alimentaires et de la faiblesse du pouvoir d’achat pendant la période de soudure et les périodes précédant les récoltes », a expliqué Jean-Noël Gentile.

L’économie du Niger perd environ 289 milliards de francs CFA (539 millions de dollars) par an à cause de la malnutrition infantile, et un enfant de moins de cinq ans sur deux qui meurt dans ce pays a souffert d’une forme de malnutrition, selon les chiffres de l’Institut national de la statistique du Niger.

Les médicaments se font également plus rares. Les principaux approvisionnements proviennent de Cotonou. Les stocks de médicaments ont chuté de 30 à 55 % depuis le 19 septembre, alors que le niveau acceptable est de 7 %.

Cependant, la fermeture des frontières est une aubaine pour les contrebandiers. Aux frontières méridionales avec le Nigeria, ils se livrent à un commerce florissant, faisant passer des marchandises, des personnes et même du bétail malgré le blocage des frontières.

Le nord du pays (Agadez) connaît une intensification de trafics de tous genres, grâce aux corridors avec la Libye et l’Algérie. Des camions arrivent régulièrement chargés de céréales, d’huile, de blé, de matériel électrique et de matériaux de construction.

Les dirigeants militaires sont également confrontés au gel des avoirs relatifs à la production d’uranium, de pétrole et d’or. La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a bloqué toutes les réserves de change destinées à l’État et aux entreprises publiques du Niger.

Le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine, nommé par la junte, a récemment réussi à payer les salaires de juillet et août des employés de l’État et des forces de sécurité avec les seules recettes intérieures.

Plusieurs demandes ont été formulées à l’extérieur du Niger pour mettre fin aux sanctions, notamment par Médecins sans frontières (MSF), qui les a qualifiées de « punition collective ».

Carrefour-Soleil

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