Plusieurs outils en os découverts en Tanzanie réécrivent la préhistoire

1,5 million d’années avant notre ère, nos lointains ancêtres transformaient déjà des ossements d’animaux en outils tranchants sophistiqués, bouleversant ainsi tout ce que nous pensions savoir sur les origines de l’artisanat.

À une époque où nos lointains ancêtres commençaient à peine à se démarquer des autres primates, ils faisaient déjà preuve d’une ingéniosité remarquable. Une équipe internationale de chercheurs vient de mettre au jour une collection exceptionnelle de 27 outils en os dans les célèbres gorges d’Olduvai en Tanzanie, datant d’environ 1,5 million d’années.

Cette découverte, publiée dans la prestigieuse revue Nature, repousse d’un million d’années la date connue de l’utilisation d’os comme matériau pour la fabrication d’outils. Jusqu’à présent, les archéologues savaient que les hominidés fabriquaient des outils en pierre depuis au moins 3,3 millions d’années, mais l’utilisation délibérée et technique d’os était considérée comme bien plus récente.

Le site, connu sous le nom de T69, a révélé des outils parfaitement conservés, mesurant jusqu’à 40 centimètres de long. Ces instruments de découpe étaient fabriqués à partir d’os d’éléphants et d’hippopotames, animaux imposants qui peuplaient alors l’Afrique de l’Est.

« Les outils ont probablement été fabriqués en brisant les extrémités épaisses des os de la jambe et en utilisant une pierre pour faire tomber les paillettes de la tige osseuse restante », explique Ignacio de la Torre, co-auteur de l’étude et chercheur au Conseil national espagnol de la recherche. « Cette technique a été utilisée pour créer un bord aiguisé et une pointe », précise-t-il.

L’analyse des artefacts révèle une fabrication méticuleuse et délibérée. Certains outils portent les traces de plus d’une douzaine de coups, témoignant d’un travail artisanal persistant et d’une intention claire. La sélection des matériaux n’était pas non plus le fruit du hasard : les hominidés choisissaient spécifiquement les grands os de pattes, lourds et robustes, provenant d’animaux particuliers.

« Les outils en os étaient probablement utilisés comme une hache à main pour dépecer les animaux morts », souligne de la Torre. Ces lames, tenues directement à la main sans être fixées à un manche, étaient parfaitement adaptées pour retirer la viande des carcasses d’éléphants et d’hippopotames.

Les gorges d’Olduvaï (Tanzanie) font partie de la branche orientale de la vallée du Grand Rift. Le site a livré de nombreux fossiles humains ou préhumains et divers vestiges depuis plusieurs décennies.

La pratique du charognage opportuniste

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, ces outils ne servaient probablement pas d’armes de chasse. « Nous ne pensons pas qu’ils chassaient ces animaux. Ils étaient probablement en train de faire les poubelles », ajoute le chercheur espagnol, suggérant que nos ancêtres pratiquaient plutôt le charognage opportuniste que la chasse active de ces grands mammifères.

L’état de conservation exceptionnel des outils a permis aux scientifiques d’écarter toute hypothèse d’une formation naturelle. L’absence de signes d’érosion, de piétinement ou de rongement par d’autres animaux confirme que ces objets ont bien été façonnés intentionnellement par des mains humaines.

Ce qui rend cette découverte particulièrement fascinante, c’est qu’elle témoigne d’une complexité cognitive et technique bien plus grande que ce que l’on attribuait jusqu’alors à nos lointains ancêtres. Elle révèle que les hominidés de cette époque possédaient déjà la capacité d’identifier différents matériaux et leurs propriétés, puis de les transformer selon leurs besoins spécifiques.

La fabrication de ces outils en os précède de plus d’un million d’années l’apparition de notre espèce, Homo sapiens, survenue il y a environ 300 000 ans. À l’époque de cette innovation technologique, trois espèces d’hominidés coexistaient dans cette région d’Afrique de l’Est : Homo erectusHomo habilis et Paranthropus boisei. Les archéologues ne peuvent déterminer avec certitude laquelle de ces espèces est responsable de cette invention, les trois étant des candidats plausibles.

Cette découverte s’inscrit dans une réévaluation plus large de nos connaissances sur l’évolution humaine et les capacités cognitives de nos ancêtres. Elle confirme que les premiers hominidés possédaient déjà un « kit d’outils » plus diversifié et complexe qu’on ne le pensait.

En repoussant d’un million d’années la date connue de l’utilisation des outils en os, cette étude ouvre de nouvelles perspectives sur le développement technologique et culturel des premiers humains, et nous rappelle que l’ingéniosité est inscrite dans notre lignée depuis bien plus longtemps.

Frank Kodbaye

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