
Face à l’invasion des diamants synthétiques chinois qui représentent désormais 70% du marché mondial des pierres artificielles, les principaux pays producteurs de diamants africains ont scellé une alliance stratégique historique.
L’accord de Luanda, signé dans la capitale angolaise, mobilise les géants continentaux – Botswana, Afrique du Sud, Angola, Namibie, Sierra Leone et République démocratique du Congo – aux côtés du mastodonte De Beers dans une bataille commerciale sans précédent.
L’industrie diamantaire africaine traverse sa pire crise depuis des décennies. La production mondiale de diamants bruts a chuté de 177 millions de carats en 2005 à seulement 112 millions en 2024, soit une dégringolade de 37%. Cette érosion s’explique par l’afflux massif de diamants synthétiques produits en laboratoire, vendus à des prix défiant toute concurrence, et par la faiblesse persistante de la demande mondiale de produits de luxe.
Pour l’Afrique, continent qui tire une part substantielle de ses revenus miniers des diamants naturels, l’enjeu dépasse le simple cadre économique. Ces pierres précieuses constituent une « bouée de sauvetage pour des millions de personnes » selon les autorités, générant emplois et devises dans des économies souvent fragiles.
Le géant sud-africain De Beers, deuxième extracteur mondial, a orchestré cette contre-offensive en acceptant de contribuer au fonds commun à hauteur de 1% de ses revenus annuels issus des diamants bruts. Cette stratégie révèle la détermination du groupe à préserver sa domination sur un marché qu’il contrôle historiquement.
La société a d’ailleurs volontairement réduit sa production de 36% au deuxième trimestre 2025, atteignant 4,1 millions de carats, dans une manœuvre calculée pour réguler l’offre face à la demande déclinante.

Miser sur du marketing
Cet accord novateur institue un mécanisme de financement pérenne où chaque signataire s’engage à verser 1% de ses recettes diamantaires annuelles au Natural Diamond Council (NDC), l’organe de promotion basé à New York. Ces fonds alimenteront une campagne marketing mondiale d’envergure, ciblant les principales régions consommatrices pour sensibiliser aux vertus des diamants naturels.
L’initiative vise particulièrement la nouvelle génération de consommateurs, moins exposée aux campagnes publicitaires traditionnelles qui ont fait le succès de l’industrie au XXe siècle. Le message central martèle la rareté, l’authenticité et l’impact socio-économique positif des diamants naturels sur les communautés productrices.
Malgré l’enthousiasme affiché, l’accord soulève des interrogations. Les petits et moyens producteurs, représentant 25% de la production sud-africaine, peinent à honorer cet engagement de 1%, fragilisés par un accès limité aux capitaux et des coûts réglementaires élevés.
L’efficacité de cette stratégie marketing face à l’avantage prix des synthétiques chinois reste également à démontrer. Toutefois, les signataires misent sur la valeur émotionnelle et symbolique des diamants naturels, patrimoine géologique irremplaçable façonné sur des milliards d’années.
Avec le lancement prévu d’une campagne renforcée avant la saison de pointe 2025, l’Accord de Luanda représente un tournant pour l’industrie diamantaire africaine. Son succès conditionnera la survie d’un secteur vital pour des millions d’Africains et la préservation de l’hégémonie continentale sur ce marché de luxe millénaire.
Cette mobilisation sans précédent illustre la détermination de l’Afrique à défendre ses ressources naturelles contre la concurrence technologique mondiale, dans un combat où tradition et innovation s’affrontent pour conquérir le cœur des consommateurs.
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