
Le Kenya vient de franchir une étape majeure dans la lutte contre les maladies tropicales négligées. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a officiellement confirmé le 8 août 2025 l’élimination de la Trypanosomiase humaine africaine (THA), plus connue sous le nom de maladie du sommeil, sur le territoire kenyan.
Cette victoire sanitaire place le Kenya au rang des dix pays africains ayant réussi à éradiquer cette pathologie mortelle en tant que problème de santé publique. Pour Nairobi, il s’agit même d’un doublé : après avoir vaincu la maladie du ver de Guinée en 2018, le pays démontre une fois de plus l’efficacité de ses stratégies de santé publique.
La maladie du sommeil est causée par un parasite microscopique, le Trypanosoma brucei, transmis à l’homme par la piqûre de la mouche tsé-tsé. Au Kenya, seule la forme « rhodésienne » de la maladie était présente. Elle est la forme la plus agressive des deux variantes existantes. Sans traitement, cette infection envahit rapidement les organes vitaux, notamment le cerveau, entraînant la mort en quelques semaines seulement.
Les symptômes débutent par de la fièvre et des maux de tête, avant d’évoluer vers des troubles neurologiques graves : confusion, troubles du sommeil (d’où le nom de la maladie), paralysie et finalement coma.
Le dernier cas autochtone kenyan remonte à 2009, suivi par deux cas importés en 2012 dans la célèbre réserve du Masai Mara. Depuis, le pays a mis en place un système de surveillance draconien dans douze établissements de santé répartis dans six comtés historiquement touchés : Busia, Siaya, Kisumu, Homa Bay, Migori et Kwale.
Cette stratégie combinait formation du personnel médical, fourniture d’outils diagnostiques de pointe et lutte active contre les mouches tsé-tsé. Le Conseil kenyan pour l’éradication des mouches tsé-tsé et de la trypanosomiase, épaulé par les autorités vétérinaires nationales, a coordonné ces efforts sur le terrain.

Un succès fragile
La Foundation for Innovative New Diagnostics (FIND), partenaire clé de l’OMS, a particulièrement contribué depuis 2020 à la cartographie des centres de santé, à la modernisation des laboratoires et à la sensibilisation des populations locales.
« Cette réussite est la preuve de ce qui peut être accompli lorsque des partenaires travaillent ensemble », souligne Ifedayo Adetifa, directeur général de FIND.
Cependant, cette victoire intervient dans un contexte préoccupant. L’OMS tire la sonnette d’alarme : les réductions budgétaires dans les programmes internationaux de lutte contre les maladies tropicales négligées menacent de ralentir, voire d’inverser ces progrès durement acquis.
Avec cette élimination, le Kenya rejoint un club encore restreint comprenant le Bénin, le Tchad, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Ghana, la Guinée, le Rwanda, le Togo et l’Ouganda. Au total, 57 pays ont désormais éliminé au moins une maladie tropicale négligée.
L’objectif mondial fixé par la Feuille de route 2021-2030 de l’OMS vise 100 pays libérés d’au moins une de ces pathologies d’ici 2030. À cinq ans de l’échéance, le défi reste considérable, d’autant que le financement international s’amenuise.
Le Kenya devra maintenant surveiller étroitement son territoire pour prévenir toute résurgence, tout en servant d’exemple pour les 43 pays encore en lice dans cette course vitale contre les maladies de la pauvreté.
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