
Mike Wainwright, ancien directeur des opérations de Trafigura, a été reconnu coupable de corruption par un tribunal suisse le vendredi 7 février 20251. Cette condamnation marque un tournant dans l’industrie du négoce de matières premières, souvent critiquée pour son manque de transparence.
Le Tribunal pénal fédéral basé à Bellinzone a condamné Mike Wainwright, ancien directeur des opérations du géant du négoce Trafigura, à 32 mois de prison, dont 12 ferme, pour corruption. Il a été reconnu coupable d’avoir orchestré un versement de 5 millions de dollars à un haut responsable de la compagnie pétrolière nationale angolaise, Sonangol, afin de garantir à son entreprise un quasi-monopole sur le commerce des produits pétroliers du pays.
L’ancien numéro 2 de Trafigura n’est pas le seul à devoir rendre des comptes. Dans un enchevêtrement complexe de responsabilités, un ancien employé devenu intermédiaire écope de 24 mois de prison avec sursis. Sa société ConsultCo Trading Ltd servait de façade pour acheminer les pots-de-vin vers leur destination finale.
Paulo Gouveia Junior, l’ancien cadre de la compagnie pétrolière nationale angolaise, paie le prix fort de sa compromission. Le tribunal le condamne à 36 mois de prison, dont 14 mois ferme, pour avoir monnayé son influence en échange de contrats juteux pour Trafigura.
Cette série de condamnations met en lumière un système bien rodé où chaque acteur jouait un rôle précis dans cette mécanique de corruption. Elle marque aussi la détermination des autorités suisses à assainir le secteur du négoce des matières premières, longtemps considéré comme opaque.
La sévérité des peines, notamment la part ferme infligée au responsable angolais, traduit la volonté du tribunal de frapper fort contre des pratiques qui ont coûté des millions de dollars aux contribuables angolais. Et Mike Wainwright devient le premier haut cadre d’une grande maison de négoce de matières premières à être condamné pour corruption.

Montages financiers complexes
Selon les conclusions des juges, les paiements illicites ont été réalisés via une société écran basée aux Îles Vierges britanniques, un paradis fiscal connu pour son opacité. Ces fonds ont ensuite transité par un intermédiaire surnommé « M. non conforme », utilisé pour dissimuler l’origine des transactions.
Ce stratagème a permis à Trafigura de dominer le marché pétrolier angolais, limitant la concurrence et empêchant les Angolais de bénéficier de prix compétitifs sur leurs propres ressources naturelles.
En plus de la condamnation de son ancien dirigeant, Trafigura elle-même a été jugée responsable et condamnée à payer une amende de 3 millions de dollars, ainsi qu’un dédommagement de 145,6 millions de dollars. Toutefois, ces montants restent modestes au regard des bénéfices colossaux du groupe.
En 2022, Trafigura a enregistré un profit de 2,8 milliards de dollars, et en 2023, ses bénéfices ont explosé à plus de 7 milliards de dollars. Ces chiffres montrent que l’entreprise a largement les moyens d’absorber ces sanctions sans impact majeur sur son activité.
Passif judiciaire chargé
Trafigura n’en est pas à son premier scandale. Le groupe a été impliqué à plusieurs reprises dans des affaires de corruption et de pratiques douteuses à travers le monde.
Malgré les multiples amendes infligées par diverses autorités de régulation, jusqu’à présent, aucun de ses cadres dirigeants n’avait été inquiété par la justice. Cette condamnation pourrait marquer un changement de paradigme dans la lutte contre la corruption au sein des grandes entreprises du secteur des matières premières.
Mike Wainwright continue de clamer son innocence et prévoit de faire appel de la décision du tribunal suisse. Cette procédure pourrait prolonger l’affaire pendant encore plusieurs mois, voire années.
En attendant, ce verdict constitue un signal fort envoyé aux grandes maisons de négoce, mettant en lumière les pratiques douteuses qui persistent dans un secteur clé de l’économie mondiale.
Carrefour-Soleil
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