L’armée gabonaise prend le pouvoir quelques jours seulement après des élections générales très contestées.
Un groupe d’officiers supérieurs de l’armée gabonaise est apparu à la télévision nationale aux premières heures de ce mercredi 30 août et a déclaré avoir pris le pouvoir, quelques minutes après que l’organisme électoral de l’État ait annoncé que le président Ali Bongo avait remporté un troisième mandat.
La commission électorale de ce pays d’Afrique centrale a annoncé que le président Ali Bongo Ondimba, 64 ans, avait remporté l’élection avec 64 % des voix, tôt mercredi matin. Albert Ondo Ossa, son opposant, était arrivé en deuxième position avec 30,77 % des voix. Quelques minutes plus tard, des coups de feu ont été entendus dans le centre de la capitale, Libreville.
Parmi les militaires figurent des membres de la garde républicaine (GR), la garde prétorienne de la présidence reconnaissables à leurs bérets verts, ainsi que des soldats de l’armée régulière et des policiers. Brice Oligui, commandant de la garde présidentielle est désigné chef de la transition au Gabon.
Sur la chaîne de télévision Gabon 24, les officiers ont déclaré qu’ils représentaient toutes les forces de sécurité et de défense du pays. Ils ont déclaré que les résultats des élections étaient annulés, que toutes les frontières étaient fermées jusqu’à nouvel ordre et que les institutions de l’État étaient dissoutes.
Plusieurs sources indiquent qu’il y a des coups de feu sporadiques échangés à Libreville, la capitale, entre partisans d’Ali Bongo et les putschistes.
Voici un extrait de l’allocution des putschistes qui passe en boucle sur la chaîne de télévision publique Gabon 24 : « Aujourd’hui, ce pays traverse une grave crise institutionnelle, politique, économique et sociale. Aussi, force est d’admettre que l’organisation des échéances électorales, dites élections générales du 26 août 2023, n’a pas rempli les conditions d’un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par les Gabonaises et les Gabonais. A cela s’ajoute une gouvernance irresponsable, imprévisible, qui se traduit par une dégradation continue de la cohésion sociale, risquant de conduire le pays au chaos. Ce jour, 30 août 2023, nous, forces de défense et de sécurité, réunies au sein du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), au nom du peuple gabonais et garant de la protection des institutions, avons décidé de défendre la paix en mettant fin au régime en place. A cet effet, les élections générales du 26 août 2023 ainsi que les résultats tronqués sont annulés. »
56 ans de règne de la famille Bongo
Les tensions étaient vives au Gabon, où l’on craignait des troubles après le scrutin présidentiel, parlementaire et législatif du 26 août, qui a vu Ali Bongo chercher à prolonger la mainmise de sa famille sur le pouvoir depuis 56 ans, tandis que l’opposition poussait au changement dans ce pays riche en pétrole, en manganèse, en bois précieux et autres richesses naturelles, mais frappé par la pauvreté.
L’absence d’observateurs internationaux, la suspension de certaines émissions étrangères et la décision des autorités de couper le service Internet et d’imposer un couvre-feu nocturne dans tout le pays après le scrutin ont suscité des inquiétudes quant à la transparence du processus électoral.
On craignait des violences post-électorales, en raison de griefs profondément ancrés parmi les quelque 2,5 millions d’habitants du pays. Selon la Banque mondiale, près de 40 % des Gabonais âgés de 15 à 24 ans étaient sans emploi en 2020.
Après le scrutin de la semaine dernière, le ministre de la Communication, Rodrigue Mboumba Bissawou, a déclaré à la télévision d’État qu’un couvre-feu serait instauré tous les soirs de 19 heures à 6 heures du matin.
Tous les scrutins organisés au Gabon depuis le retour du pays à un système multipartite en 1990 se sont soldés par des violences. Les affrontements entre les forces gouvernementales et les manifestants après l’élection de 2016 ont fait quatre morts, selon les chiffres officiels. L’opposition a déclaré que le nombre de morts était bien plus élevé.
Ali Bongo qui a succédé à son père Omar en tant que président en 2009, était opposé à 18 candidats, dont six ont soutenu Albert Ondo Ossa. L’équipe de M. Bongo a rejeté les allégations de fraude.
En 2016, le bâtiment du parlement a été incendié lors de violentes manifestations de rue contre la réélection contestée d’Ali Bongo pour son second mandat. Le gouvernement avait alors coupé l’accès à Internet pendant plusieurs jours. En 2019, une tentative de coup d’État menée un groupe marginal de militaires avait été sévèrement réprimée par la garde prétorienne d’Ali Bongo.
S’il réussit, ce coup d’État serait le huitième en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale depuis 2020. Les coups d’État au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, au Tchad et au Niger ont sapé les progrès démocratiques au cours des dernières années.
Carrefour-Soleil
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