Vers une paix historique entre la RDC et le Rwanda ?

Les ministres des Affaires étrangères congolais et rwandais ont paraphé une "Déclaration de principes" s'engageant à finaliser un accord de paix initial d'ici le 2 mai prochain, sous le regard attentif du secrétaire d'État américain Marco Rubio.
L'enjeu de la Déclaration de principes dépasse largement les questions sécuritaires pour s'étendre aux intérêts économiques stratégiques .

Sous l’égide de Marco Rubio, secrétaire d’État américain, Kinshasa et Kigali s’engagent à rédiger un accord de paix d’ici le 2 mai, ouvrant la voie à une possible résolution d’un conflit qui déchire la région des Grands Lacs depuis des décennies.

Dans les salons feutrés du Département d’État américain, un pas décisif vient d’être franchi dans l’interminable conflit qui ensanglante l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Vendredi dernier, les ministres des Affaires étrangères congolais et rwandais ont paraphé une « Déclaration de principes » s’engageant à finaliser un accord de paix initial d’ici le 2 mai prochain, sous le regard attentif du secrétaire d’État américain Marco Rubio.

Thérèse Kayikwamba Wagner, cheffe de la diplomatie congolaise, et son homologue rwandais Olivier Nduhungirehe ont solennellement reconnu « la souveraineté et l’intégrité territoriale » de leurs pays respectifs, ouvrant ainsi la voie à un règlement diplomatique d’un conflit aux ramifications complexes.

« Il s’agit d’une déclaration qui établit une compréhension fondamentale de la gouvernance régionale, de la sécurité, des cadres économiques, afin de mettre fin aux combats », a souligné Marco Rubio devant la presse, signalant l’importance que Washington accorde à cette initiative diplomatique.

Au cœur des tensions figure le Mouvement du 23 mars (M23), groupe rebelle accusé par Washington et Kinshasa d’être soutenu par le Rwanda. Cette milice contrôle une part significative de l’est congolais, région exceptionnellement riche en minerais stratégiques comme l’or, le tantale, le tungstène et l’étain. Son avancée a provoqué le déplacement forcé de plus d’un million de civils, aggravant une crise humanitaire déjà critique dans la région.

Kigali a toujours nié tout soutien au M23, affirmant que ce groupe s’est constitué pour protéger les droits des Tutsis et autres locuteurs rwandais au Congo, et pour combattre une milice soutenue par Kinshasa liée aux auteurs du génocide rwandais de 1994. Une version des faits contestée par de nombreux observateurs internationaux.

Une médiation très intéressée

L’enjeu dépasse largement les questions sécuritaires pour s’étendre aux intérêts économiques stratégiques dans une région regorgeant de ressources naturelles essentielles à la transition énergétique mondiale.

En effet, début 2024, le président congolais Félix Tshisekedi avait proposé aux États-Unis un accès privilégié aux ressources minérales de son pays, en échange d’un soutien militaire. Il s’agit notamment des gisements de cuivre parmi les plus riches au monde et du cobalt. Ce métal est indispensable à la fabrication des batteries.

Marco Rubio n’a d’ailleurs pas caché la dimension économique de cette médiation, affirmant que la paix « ouvrira la porte à des investissements américains et occidentaux plus importants, ce qui apportera des opportunités économiques et de la prospérité » dans une région stratégique où la Chine a pris une avance considérable.

La déclaration signée engage également les parties à répondre aux préoccupations sécuritaires mutuelles, à promouvoir l’intégration économique régionale, à faciliter le retour des personnes déplacées et à soutenir la MONUSCO, la mission de maintien de la paix des Nations unies en RDC.

« La bonne nouvelle, c’est qu’il y a un espoir de paix », a déclaré Thérèse Kayikwamba Wagner, avant d’ajouter avec lucidité : « La vraie nouvelle, c’est que la paix doit être gagnée et qu’elle nécessitera du sérieux, de la transparence et de la sincérité. »

Son homologue rwandais a souligné que cette déclaration « ouvre la voie à un accord de paix définitif »,notamment grâce au soutien américain aux initiatives de paix actuellement supervisées par des organisations régionales africaines et le gouvernement du Qatar.

Toutefois, certains experts bien informés restent prudents. C’est le cas de Sasha Lezhnev, conseiller politique de l’ONG The Sentry  : « L’accord est un pas dans la bonne direction, mais il doit être accompagné de sanctions pour le comportement illicite qui a contribué à provoquer la crise. » Sans conséquences pour le soutien aux groupes armés ou pour la contrebande de minerais, ajoute-t-il, « quelle incitation le Rwanda ou le gouvernement de la RDC auraient-ils à se comporter différemment à l’avenir ? »

La région des Grands Lacs, en attente d’une paix durable depuis des décennies, observe avec un optimisme mesuré cette nouvelle initiative diplomatique, dont l’échéance du 2 mai constituera un test crucial.

Carrefour-Soleil

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