Tchad: Les premières manifestations contre la junte dégénèrent

Affrontements violents à N'Djaména entre manifestants et militaires. Cinq morts au moins et une trentaine de blessés. Photo:DR

La capitale du Tchad, N’Djamena, a été secouée par de violentes manifestations mardi matin. Organisées par le mouvement Wakit Tama, une coalition de plusieurs partis d’opposition et des associations, elles militent pour l’instauration d’une transition civile, après la mort du président Idriss Deby Itno sur le champ de bataille contre un groupe rebelle la semaine dernière et la prise du pouvoir par un groupe de quinze généraux dirigés par son fils.

Selon le procureur de la république de la capitale, Youssouf Tom, quatre personnes sont mortes mardi 27 avril à N’Djaména. A Moundou, capitale économique du Tchad située à quelque 500 km au sud de N’Djamena, les autorités annoncent le décès d’un manifestant âgé de 21 ans.

La Convention tchadienne de défense des droits de l’homme (CTDDH), une ONG indépendante, recense de son côté neuf morts (sept à N’Djamena et deux à Moundou). Vingt-sept autres personnes seraient grièvement blessées, selon une source anonyme de l’hôpital général de N’Djaména.

La junte, connue sous le nom de Conseil militaire de transition (CMT), a publié un communiqué lundi soir (26 avril) interdisant tout attroupement susceptible de provoquer des troubles. Mais les organisateurs n’ont pas renoncé à leur projet en qualifiant le CMT d’organe « illégal et illégitime adoubé par la France qui pense imposer aux Tchadiens une nouvelle dictature militaire. » Des manifestants sont sortis massivement pour braver des véhicules chargés de soldats déployés dans les rues du centre de N’Djamena et de Moundou.

L’usage massif de gaz lacrymogènes et de tirs à balles réelles contre des manifestants ont été signalés dans plusieurs quartiers de la capitale. « Les Tchadiens sont debout, nous n’allons plus jamais reculer. Nous allons continuer à marcher », a déclaré Succès Masra, l’un des chefs de file de l’opposition.

« Les militaires ont annoncé la couleur : gouverner dans le sang. Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur des jeunes pour réprimer une marche pacifique », a réagi Saleh Kebzabo sur Twitter. A l’instar de ce responsable d’un des principaux partis de l’opposition, plusieurs leaders, ont durci le ton contre le CMT ces dernières heures et réaffirment leur volonté de maintenir leur mouvement de protestation

Les jeunes ont répondu massivement à l’appel de la société civile et des partis politiques qui rejettent la prise de pouvoir à N’Djaména par le CMT. Photo: DR

 

Promesse d’un dialogue national inclusif

Cette pression populaire a obligé le chef de la junte, le général Mahamat Idriss Déby, à faire une sortie télévisée précipitée ce mardi 27 avril pour réitérer sa promesse d’organiser « un dialogue national inclusif » dans une période de transition de dix-huit mois. « Le Tchad continuera à tenir son rang et à assumer ses responsabilités dans la lutte contre le terrorisme et respectera tous ses engagements internationaux », a-t-il ajouté.

Les troubles de mardi soulignent l’atmosphère tendue qui règne au Tchad depuis la mort soudaine du maréchal Idriss Déby Itno. Le CMT a depuis abrogé la Constitution et dissous le gouvernement et l’Assemblée nationale. Le général Mahamat Idriss Déby a promis des « élections libres et démocratiques ». Il a entre temps pris le titre de président de la République et chef suprême des armées. Il a aussi nommé le 26 avril Albert Pahimi Padacké au poste de premier ministre d’un gouvernement de transition. Ce dernier était le dernier premier ministre d’Idriss Déby Itno, avant la suppression de ce poste en 2018, suite à la dernière modification de la Constitution.

L’opposition et quelques généraux dissidents du CMT estiment que la promesse d’un retour à la démocratie n’est pas crédible, dans la mesure où la junte a rejeté la main tendue des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), le mouvement qui a tendu une embuscade et a mortellement blessé le maréchal Idriss Déby Itno dans le Kanem, au Nord-Ouest de N’Djaména le 18 avril dernier.

Selon plusieurs observateurs, ce refus constitue subterfuge pour prolonger la main mise des militaires sur le pouvoir, au nom de la lutte contre l’insurrection armée. La coalition Wakit Tama appelle donc à renouveler les manifestations ce mercredi matin et les jours suivants et ne laisser aucun répit au CMT.

Carrefour-Soleil

 

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