Qui trouve-t-on dans les « Paradise Papers » ?

Paradis fiscal: un rêve de super-riches. Illustration: 123rf / Sira Anamwong

Les médias du monde ont à peine eu le temps de faire le tour de l’immense quantité de données des « Panama Papers » qu’ils doivent à présent analyser les « Paradise Papers », dévoilés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ). Les premières révélations éclaboussent plusieurs personnalités politiques de premier plan.

Treize millions de fichiers ont atterri dans les serveurs de l’ICIJ via le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Un an d’enquête avec le concours de 96 médias, 380 journalistes de 67 pays différents a permis de faire parler ces documents financiers détenus par un cabinet international d’avocats AppleBy, domicilié aux Bermudes.

Une partie des données vient des registres des sociétés de dix-neuf paradis fiscaux (Antigua-et-Barbuda, Aruba, Bahamas, Barbades, Bermudes, Dominique, Grenade, îles Caïman, îles Cook, îles Marshall, Labuan, Liban, Malte, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Samoa, Trinité-et-Tobago, Vanuatu), ainsi que d’un cabinet de Singapour.

Ils mettent en lumière les ramifications de l’argent caché dans les places offshore dans le but d’échapper au fisc. Des personnalités influentes, issues de quelques grandes puissances, sont identifiées.

Ministre américain du commerce épinglé

Selon certains documents révélés, le ministre américain au Commerce, Wilbur Ross, est éclaboussé par le scandale. Il a gardé des participations dans une société de transport maritime ayant des liens d’affaire étroits avec un oligarque russe, visé par des sanctions américaines… alors qu’il avait affirmé le contraire juste avant ses prises de fonction dans l’administration Trump.

Les Paradise papers révèlent que Wilbur Ross a réduit sa participation personnelle dans cette société, Navigator Holdings, mais a toujours la main sur 31% des parts de cette firme via des entités offshore.

Le scandale promet de faire d’énormes vagues, dans la mesure où les intérêts des proches de Poutine et ceux de Donald Trump sont denses et entremêlés; l’un des principaux clients de Navigator Holdings est la société russe de gaz et produits pétrochimiques Sibur, qui a contribué à hauteur de 23 millions de dollars à son chiffre d’affaires en 2016. Parmi les propriétaires de Sibur figurent Guennadi Timtchenko, un oligarque proche du président russe sanctionné par le Trésor américain après l’invasion de la Crimée par Moscou, et Kirill Chamalov, marié à la plus jeune fille de Vladimir Poutine.

Contacté par la presse après la publication par le New York Times du premier article sur ce scandale, le cabinet de Wilbur Ross n’a pas cherché à infirmer l’information, ni présenter des excuses.

 

Wilbur Ross
Photo: DR

Placements royaux

Le quotidien britannique The Guardian, associé à l’enquête, a mis en évidence les placements dans les paradis fiscaux effectués par une société de gestion des biens de la famille royale britannique, via le Duché de Lancaster. Dix millions de livres sterling ont ainsi été placés aux Iles Caïmans et aux Bermudes.

En 2005, cette société a investi 7,5 millions de dollars dans un fond situé aux îles Caïmans. Celui-ci a lui-même investi dans un autre fonds qui contrôle une société baptisée Brighthouse. Cette firme fait l’objet de critiques de la part de certains députés et associations de consommateurs britanniques. Elle vend de l’électroménager et des meubles par le biais de crédits à des taux d’intérêt de 99,9%.

La reine Elisabeth II a réagi aussitôt après la révélation du montage financier. Un porte-parole a confié à la presse que le placement d’une partie de la fortune de la famille royale dans les paradis fiscaux s’est fait à son insu.

Les amis de Trudeau

Au Canada, le milliardaire Stephen Bronfman, à la tête de l’ex-société de vins et spiritueux Seagram, a placé avec son parrain, le sénateur Leo Kolber, 60 millions de dollars américains dans une société offshore aux Iles Caïmans, ontrévélé Radio-Canada et le Toronto Star.

Stephen Bronfman a été responsable de la collecte de fonds lors de la campagne électorale de 2015 pour le compte du parti libéral canadien. Une nouvelle très embarrassante pour le premier ministre canadien, qui a fait campagne sur la réduction des inégalités et la justice fiscale.

Aussi, Leo Kolber était à la tête du Comité sénatorial des banques et commerce. A ce titre, il avait entrepris la rédaction d’une proposition de loi contre l’évasion fiscale, il y a plus de 15 ans.

L’un des avocats représentant les familles Bronfman et Kolber a nié les faits. Il a même affirmé que ses clients n’ont violé aucune loi ni règle éthique.

La fuite des Paradise papers impliquerait également plusieurs dizaines d’autres personnes riches, dont les stars de la musique Bono et Madonna. Les multinationales, telles que Apple, Nike, Uber et Tesla, sont également touchées. Leur avocats n’ont pour l’instant aucune déclaration particulière à faire, sauf répéter inlassablement aux journalistes que ces firmes respectent strictement la loi.

Les systèmes sollicités par les personnes fortunées et les multinationales pour transférer leurs fonds dans les paradis fiscaux ne sont en principe pas illégaux. Ils résultent d’une exploitation fine des failles réglementaires de différents pays. Ceux qui en souffrent le plus sont les pays en voie de développement, qui se retrouvent privés de ressources fiscales, sans voie de recours.

Ces personnalités ne constituent que la pointe très visible du scandale. Les semaines à venir seront riches en révélations, vu la taille astronomique des données.

Carrefour-Soleil

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