Les éléphants républicains se liguent contre Trump
Donald Trump vient de remporter la deuxième étape des primaires républicaines au New Hampshire. Mais son parti n’est pas du tout heureux de voir ce milliardaire excentrique mener la course.
Vingt-deux conservateurs et influents membres du Parti républicain ont sonné la revolte. Ils en ont assez de Donald Trump et de sa campagne populiste. Ils ont alors décidé de publier un manifeste pour dire aux militants que le magnat de l’immobilier ne défend absolument pas les couleurs de leur parti.
«Against Trump» (« contre Trump ») est le titre du texte que le magazine conservateur National Review (une référence pour les partisans de ce parti) a publié pour amorcer une campagne contre celui que les signataires qualifient d’usurpateur du parti républicain. La fronde est menée par le rédacteur en chef de la publication, Rich Lowry. «Trump est un opportuniste politique sans ancrage philosophique qui détruira le large consensus idéologique conservateur au sein du Parti républicain en faveur d’un populisme débridé avec des sous-entendus d’homme fort», a-t-il écrit.
L’éditorialiste et essayiste Glenn Beck qui s’est fait une réputation d’ultraconservateur sur la chaîne Fox News trouve lui-même que le milliardaire va trop loin dans ses excès et trace un boulevard pour l’élection à la Maison blanche du candidat ou de la candidate démocrate. « Si Donald Trump remporte l’investiture républicaine, il n’y aura une fois de plus aucune opposition à un gouvernement en constante expansion. Il s’agit d’une crise de conservatisme », a-t-il observé.
Le directeur du Think Thank Media Research Center, soutien du candidat Ted Cruz, interpelle directement les électeurs et les conseille de soutenir « un candidat qui marche avec nous.» Son collègue R. R. Reno de First Things renchérit : « Ses déclarations publiques au cours des dernières décennies ne donnent aucune preuve cohérente de sa vision politique.» Ils sont nombreux à souligner que Donald Trump n’a adhéré que tardivement aux idées conservatrices. Ils pointent du doigt ses prises de positions antérieures pour l’avortement, la hausse des impôts pour les riches et le contrôle des armes à feu. Ces sont-là des péchés capitaux pour les gardiens du temple conservateur américain.
Des railleries et des renforts
Donald Trump a réagi sur Twitter juste après la publication du manifeste en se moquant de l’état actuel du magazine. Pour lui, National Review est une publication « mourante » et que ce manifeste ferait « honte » à son fondateur William F. Buckley.
Pour défier ses camarades contestataires, Donald Trump n’a pas hésité à proférer de propos de plus en plus vulgaires. « Je pourrais abattre quelqu’un et resterais toujours populaire », a-t-il asséné avant de répéter qu’il s’est engagé dans cette campagne pour appliquer des recettes politiques que personne n’a osé faire avant lui. Les mesures urgentes qu’il prendrait en arrivant à la Maison blanche seraient l’expulsion du pays de tous les réfugiés syriens, ficher chacun des citoyens musulmans et chasser des Etats-Unis les 11 millions d’immigrants illégaux.
Il est persuadé d’avoir raison depuis que quelques grosses pointures du Grand Old Party (GOP, nom populaire du parti républicain) viennent grossir les rangs de ses supporters. C’est le cas de Sarah Palin, la mascotte de la branche extrémiste du GOP, le Tea Party. Un renfort qui tombe à pic pour Donald Trump qui veut démarrer par une victoire la série des primaires et caucus. Or, l’Etat d’Iowa qui inaugure cette course électorale le 1er février ne lui est pas favorable. Les sondages le place au coude-à-coude avec son rival texan Ted Cruz. Sarah Palin contrôle un réseau assez développé de partisans du Tea Party dans cet Etat rural qui était jadis le bastion des évangélistes proches du camp Cruz.
La panique règne dans l’establishment républicain qui constate que milliardaire n’est aucunement bousculé par les critiques. Au contraire, la fronde de ses camarades de parti le galvanise et le propulse encore plus haut dans les sondages.
Nate Silver, le statisticien qui s’est rendu célèbre en 2012 en prédisant avec précision la réélection de Barack Obama, pense que les chances de Donald Trump de gagner l’investiture républicaine sont réelles. Beaucoup d’autres spécialistes vont dans le même sens. Le chroniqueur Paul Krugman du New York Times conclut que c’est le résultat des dérives du GOP. Le parti a semé de façon intensive les graines de l’extrémisme depuis des années. Donald Trump est arrivé au bon moment et a eu l’intelligence de se munir du bon outil pour ramasser les fruits.
Frank KODBAYE