L’ombre de la démence plane sur les seniors consommateurs de cannabis

Les adultes d'âge moyen et les seniors ayant recours à des soins hospitaliers ou d'urgence en lien avec leur consommation de cannabis seraient bien plus exposés au risque de démence dans les années qui suivent.
Les consultations médicales liées au cannabis ont été multipliées par plus de cinq chez les adultes de 45 ans et plus entre 2008 et 2021.

Les seniors hospitalisés après consommation de cannabis risquent deux fois plus de sombrer dans la démence sous cinq ans, révèle une étude canadienne d’envergure. Un avertissement crucial alors que l’usage du cannabis explose chez les plus de 65 ans au Canada. Lequel est devenu le premier grand pays industrialisé à légaliser le cannabis à usage récréatif en 2018.

Une révélation préoccupante vient bousculer l’idée répandue que le cannabis serait relativement inoffensif : les adultes d’âge moyen et les seniors ayant recours à des soins hospitaliers ou d’urgence en lien avec leur consommation de cannabis seraient bien plus exposés au risque de démence dans les années qui suivent.

L’étude, publiée lundi dans la prestigieuse revue JAMA Neurology, s’appuie sur l’analyse des dossiers médicaux de six millions de personnes en Ontario – la deuxième plus grande province – sur une période de treize ans (2008-2021). Ses conclusions sont frappantes : les consommateurs de cannabis nécessitant des soins médicaux présentaient un risque presque deux fois plus élevé de développer une démence dans les cinq années suivantes, par rapport à des personnes similaires dans la population générale.

Même comparés à des patients hospitalisés pour d’autres raisons, leur risque demeurait significativement plus élevé (+23 %), et ce, après ajustement de multiples facteurs comme l’âge, le sexe, le revenu et d’autres problèmes de santé pouvant influencer le déclin cognitif.

Ce qui rend ces résultats particulièrement alarmants est l’augmentation spectaculaire de la consommation de cannabis chez les personnes âgées. D’après les données de l’étude, les consultations médicales liées au cannabis ont été multipliées par plus de cinq chez les adultes de 45 ans et plus entre 2008 et 2021. Plus stupéfiant encore : chez les 65 ans et plus, ces consultations ont bondi de près de 2700% !

Le Dr Daniel T. Myran, premier auteur de l’étude et professeur adjoint de médecine familiale à l’Université d’Ottawa, précise toutefois que ces résultats ne prouvent pas une relation de cause à effet directe. « Déterminer si la consommation de cannabis ou une consommation chronique importante et régulière provoque ou non la démence est une question difficile et compliquée à laquelle on ne peut pas répondre en une seule étude« , explique-t-il. « Cette étude vient enrichir la littérature et constitue un signe ou un signal d’inquiétude.« 

La démence, terme désignant un ensemble de symptômes liés à un déclin des fonctions cognitives (mémoire, raisonnement, jugement) suffisamment sévère pour perturber la vie quotidienne, pourrait donc être associée à la consommation importante de cannabis, bien que les mécanismes exacts restent à élucider.

Des statistiques implacables

L’étude a suivi plus de 6 millions de personnes âgées de 45 ans et plus qui n’avaient pas reçu de diagnostic de démence au début de l’analyse. Parmi elles, 16 275 ont eu une consultation médicale en soins aigus à cause du cannabis.

Les résultats sont éloquents : en l’espace de cinq ans, 5% des personnes ayant consulté pour des soins liés au cannabis ont reçu un diagnostic de démence, contre seulement 3,6% pour les personnes ayant besoin de soins pour d’autres raisons et 1,3% pour des personnes similaires dans la population générale.

La force de cette étude réside dans l’importance de son échantillon et sa capacité à suivre dans le temps des patients initialement sans démence, permettant d’établir une séquence temporelle claire : la consultation pour cannabis précède l’apparition de la démence.

Ce n’est pas la première fois que le Dr Myran tire la sonnette d’alarme sur les effets du cannabis. Ses recherches antérieures ont montré que les patients souffrant de troubles liés à son usage mouraient presque trois fois plus souvent que les autres sur une période de cinq ans. Il a également établi un lien entre l’augmentation des cas de schizophrénie et de psychose au Canada et la légalisation du cannabis.

Ces découvertes s’ajoutent à une littérature scientifique grandissante sur les effets néfastes potentiels d’une consommation régulière ou importante de cannabis sur les fonctions cognitives, notamment l’apprentissage verbal, la mémoire et l’attention. Des études d’imagerie ont également mis en évidence des changements dans le cerveau liés à la consommation de cette substance.

Le tétrahydrocannabinol (THC), principal composé psychoactif du cannabis, pourrait ainsi avoir des effets à long terme sur la santé cognitive des personnes âgées, bien que les mécanismes précis restent à élucider.

« Je pense qu’il faut combattre l’idée que le cannabis est inoffensif et qu’il peut même avoir des effets bénéfiques sur la santé« , conclut le Dr Meier. « Cette étude montre une association que les gens devraient prendre au sérieux et se dire : peut-être que cela me met en danger.« 

La prudence reste donc de mise, particulièrement pour les adultes d’âge moyen et les seniors, face à la consommation de cannabis, qu’elle soit récréative ou même thérapeutique.

Carrefour-Soleil

Be the first to comment

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*