Le présent et l’avenir de l’ONU décryptés par trois de ses anciens patrons

Photo: ONU/Eneas De Troya

Attendu comme un réformateur de la machine onusienne, chantre de l’efficacité, Antonio Guterres a pris ses fonctions ce 1er janvier. Il a sur sa table des dossiers aussi complexes qu’explosifs que sont la crise syrienne, le terrorisme, la nouvelle guerre dite froide entre la Russie et les Etats-Unis, l’affaire de la mer de Chine méridionale, les guerres en Libye, au Soudan du Sud et ailleurs, le changement climatique, la lutte contre la pauvreté et les questions migratoires.

Avant de voir le nouveau patron de l’ONU à l’œuvre, Carrefour-Soleil vous propose de relire quelques réflexions de trois de ses prédécesseurs. Ils posent un regard critique sur le fonctionnement actuel de l’Organisation et les défis présents et futurs qui se dressent sur le chemin de l’ONU à l’entame de ce XXIème siècle.

 

Javier Pérez de Cuéllar, Pérou, secrétaire général de 1982 à 1991.

Photo: Paulo Filgueira
Photo: ONU/Paulo Filgueira

« Les Nations unies sont certes une instance internationale supérieure pour la solution pacifique des problèmes, mais si les pays membres ne font pas appel à l’ONU, ou ne savent pas s’en servir, à qui la faute ? Certes, j’admets des déficiences, qu’il est urgent de corriger ; c’est aux pays membres de le faire.

On parle également d’une réforme de la Charte. J’ai la conviction qu’il faut repenser le traité avec des critères beaucoup plus ouverts. Réaffirmer certains principes et en inclure d’autres, comme la démocratie (non mentionné dans la Charte), les droits de l’homme, l’environnement…

Aujourd’hui, il faut surtout réfléchir à l’évolution de l’ONU face aux changements du monde. Je pense aux mutations visibles en Inde ou en Chine, deux pays à la démographie effrénée, et au potentiel économique et scientifique considérable. (…) Et puis, il y a l’Afrique – notamment subsaharienne – qui aurait besoin d’un effort coordonné des grands pays industrialisés pour enfin sortir du sous-développement (…) De plus, nombreux sont les régimes politiques, généralement corrompus, qui abusent de l’ignorance des peuples. Hélas, la communauté internationale reste indifférente face à ces sujets. Or la pauvreté est le terreau du terrorisme, une rébellion insensée qui surgit du sous-développement, du désespoir, de l’ignorance ».

 

Kofi Annan, Ghana, secrétaire général de 1997 à 2006

Photo: ONU/John Isaac
Photo: ONU/John Isaac

« Quand les gouvernement ne peuvent ou ne veulent pas assumer leurs responsabilités, c’est à la communauté internationale de le faire, à travers le Conseil de sécurité. Je considère que toute réforme des Nations unies doit partir de l’idée qu’il n’existe pas de sécurité sans développement et vice versa, dans le respect des droits de l’homme et du principe de liberté, conformément à la Charte. Ces dernières années, un consensus sur les Objectifs du millénaire s’est progressivement formé entre les États membres, affirmant le lien entre la lutte contre la pauvreté, la sécurité, le développement et le respect des droits de l’homme. (…)

Chacun a pris conscience que nous habitons un village global et que le monde n’a jamais été aussi interconnecté, au vu également des menaces planétaires, comme le terrorisme. Face à de tels défis, les Nations unies sont un gage d’efficacité, car elles peuvent mettre en réseau tous les gouvernements du monde pour qu’ils s’attellent ensemble à ces problèmes communs. Il s’agit de questions qu’aucun pays, quelle que soit sa puissance, ne peut affronter seul. (…)

Le monde ne vivra pas en paix tant qu’une extrême pauvreté continuera de côtoyer une immense richesse. Cette inégalité entre et à l’intérieur des Etats devient de plus en plus insoutenable et il est plus que jamais nécessaire de maintenir la pression pour faire respecter les droits de l’homme. »

 

Ban Ki-moon, Corée du Sud, secrétaire général de 2007 à 2016

Photo: ONU/Eskinder Debebe
Photo: ONU/Eskinder Debebe

« Au cours des soixante-deux dernières années, les Nations unies ont mis en place un vaste ensemble de systèmes et de structures. Certains, pourtant se sont révélés inefficaces et contre-productifs. (…)

Nous devons rendre cette organisation davantage digne de confiance. Les défis sont nombreux, et le niveau d’attente de la communauté internationale est très élevé. Nous nous voyons confier de nombreux mandats, et nous traversons une période où les priorités se multiplient, car il s’agit à la fois de traiter des défis globaux, de s’intéresser aux préoccupations régionales et de promouvoir les droits de l’homme ainsi que le développement économique et social. Nous avons besoin de la totale participation des gouvernements et en même temps nous devons faire preuve d’encore plus d’adaptabilité, être multifonctionnels, plus transparents, et assumer pleinement nos responsabilités afin de gagner l’entière confiance des États membres. »

Propos sélectionnés par Frank Kodbaye

 

Extraits de propos publiés dans « l’ONU dans le nouveau désordre mondial », sous la direction de Romuald Sciora, aux Editions de l’Atelier/Editions Ouvrières, 2015

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