L’édition 2018 du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) vient de paraître. Il décrit un climat délétère pour la presse partout dans le monde.
L’hostilité des dirigeants politiques envers les médias n’est plus l’apanage des seuls pays autoritaires. Elle menace aussi les démocraties. L’Europe, réputée être le continent de la liberté de presse, chancèle. Dans certains de ses États, RSF enregistre des faits inquiétants et cela se remarque dans le classement. Malte (65e place, -18), la République Tchèque (34e, -11), la Serbie (76e, -10) et la Slovaquie (27e, -10). Dans ces pays, les responsables politiques attisent des propos haineux dirigés contre la presse indépenante. Ils « jouent avec un feu extrêmement dangereux », insiste l’organisation dans son rapport.
Quand un président se présente à une conférence de presse muni d’une kalachnikov factice avec l’inscription « pour les journalistes » (Milos Zeman en République Tchèque) ou quand un Premier ministre traite les journalistes de « simples hyènes idiotes » (Robert Fico en Slovaquie), c’est toute une vision du débat public fondé sur la libre recherche des faits qui est menacée, déplore le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire.
Dirigeants hostiles
Partout dans le monde, des chefs d’État démocratiquement élus voient la presse « comme un adversaire pour lequel ils affichent ouvertement leur aversion ». On pense bien entendu à Donald Trump, le président des États-Unis (45e, -2).
Le modèle d’information verrouillée chinois (176e), qui s’exporte en Asie, ou celui de la Russie (148e), « qui étend son réseau de propagande à travers le monde grâce à ses médias comme RT et Sputnik », montrent l’influence grandissante des « hommes forts » qui étouffent les voix critiques.
Dans des pays autoritaires comme la Turquie (157e) ou l’Égypte (161e), les accusations de terrorisme fleurissent contre tous les journalistes qui ne prêtent pas allégeance au pouvoir.
Aux Philippines (133e) ou en Inde (138e), des menaces sont directement proférées contre certains journalistes qui dérangent la classe politique. Le président philippin, Rodrigo Duterte, en est l’archétype. A plusieurs reprises, il a affirmé qu’être journaliste « ne préserve pas des assassinats ». Son homologue indien privilégie l’usage des réseaux sociaux pour amplifier ses discours de haine, au moyen de trolls. « La frontière entre la brutalité verbale et la violence physique est de plus en plus ténue », précise le rapport.
« Pays en noir »
La carte de la liberté de la presse de RSF n’a en tout cas « jamais compté autant de pays en noir » : dans 12 % des États, la situation est considérée comme « très grave » avec une médaille du pire attribuée à la Corée du Nord, qui conserve sa dernière place.
Le continent africain montre quelques signes d’amélioration malgré la persistance de certaines situations terribles. L’enquête journalistique y est toujours une activité à haut risque. La coupure des réseaux internet, des agressions physiques et l’adoption de lois plus sévères vis-à-vis de la presse sont des pratiques courantes dans plusieurs pays de ce continent.
Néanmoins, le départ du pouvoir de trois des dictatures les plus féroces éclaircit l’horizon pour les journalistes. Le Zimbabwe (126e, +2), l’Angola (121e, +4) et la Gambie (122e) permettent à l’Afrique d’enregistrer la plus forte hausse du classement 2018.
Les premières places sont, comme à l’accoutumée, occupée par les pays nordiques. La Norvège reste en tête pour la deuxième année consécutive, suivie par la Suède. Les Pays-Bas sont troisièmes, devant la Finlande qui était encore première en 2016.
Publié chaque année depuis 2002, le classement de la liberté de la presse de RSF compare la situation dans 180 pays sur la base de questionnaires soumis à des experts du monde entier et d’une analyse qualitative.
Carrefour-Soleil
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