
L’essor de l’intelligence artificielle pourrait doubler la consommation électrique des centres de données d’ici 2030, ravivant la demande en combustibles fossiles selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Les géants technologiques construisent des centres de données (data centers) toujours plus gourmands en électricité pour alimenter le boom de l’intelligence artificielle. Un rapport de l’AIE révèle que ces infrastructures consommeront bientôt autant d’électricité que le Japon tout entier.
D’ici 2030, les immenses installations qui hébergent des milliers de serveurs informatiques devraient doubler leur consommation électrique. Cette rapide croissance est principalement due au développement fulgurant de l’intelligence artificielle (IA), technologie qui nécessite une puissance de calcul colossale pour fonctionner. Ces systèmes informatiques, capables d’analyser d’énormes quantités de données, d’apprendre et de générer du contenu, reposent sur des infrastructures énergivores.
L’AIE, organisme international basé à Paris qui conseille les gouvernements des membres de l’OCDE en matière d’énergie, tire la sonnette d’alarme : malgré les efforts pour verdir l’approvisionnement électrique, cette demande croissante stimulera la production d’électricité à partir de combustibles fossiles, notamment le gaz et le charbon.
Les États-Unis représentent la plus grande part de cette croissance anticipée. D’ici la fin de la décennie, les centres de données américains consommeront davantage d’électricité que l’ensemble des industries lourdes du pays (aluminium, acier, ciment et chimie réunis). Un constat qui explique les récentes décisions politiques du président Trump, qui a signé cette semaine un décret visant à relancer la production de charbon pour alimenter ces infrastructures numériques.
Si l’AIE reconnaît que les émissions liées aux centres de données pourraient augmenter de 180 % d’ici 2035, elle estime que les craintes concernant l’impact climatique de l’IA sont « exagérées ». Ces installations ne représenteraient que 1,5 % des émissions totales liées à l’énergie.
L’agence souligne même que les applications d’IA pourraient compenser largement cette empreinte en optimisant de nombreux processus industriels et domestiques. Par exemple, l’IA peut détecter les fuites de méthane dans les installations pétrolières et gazières ou réduire la consommation énergétique des bâtiments en optimisant leur chauffage et leur climatisation.
Une empreinte carbone qui divise les experts
Cependant, le rapport n’occulte pas les zones d’ombre. L’empreinte complète de l’IA est probablement sous-estimée, car elle ne tient pas compte des émissions indirectes liées à la fabrication des puces électroniques ou à la construction des centres de données, qui nécessitent des matériaux très carbonés comme l’acier et le ciment.
Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE, met également en garde contre l’effet rebond : « L’IA pourrait rendre l’extraction des combustibles fossiles plus efficace et moins coûteuse, ce qui augmenterait paradoxalement leur consommation et donc les émissions de gaz à effet de serre. »
Face à cette demande croissante, les solutions énergétiques varieront selon les pays. Aux États-Unis, le gaz fossile restera la principale source d’alimentation des centres de données, complétée par les énergies renouvelables. En Chine, deuxième marché mondial de l’IA, tant le charbon que les énergies propres seront mis à contribution. L’AIE prévoit également que l’énergie nucléaire, notamment via les petits réacteurs modulaires, jouera un rôle croissant après 2035.
« L’IA est un outil potentiellement révolutionnaire, mais c’est à nos sociétés, nos gouvernements et nos entreprises de décider comment l’utiliser », conclut Birol. Un rappel opportun que la technologie n’est jamais neutre et que ses impacts environnementaux dépendront avant tout des choix collectifs qui encadreront son développement.
Alors que la course à l’intelligence artificielle s’intensifie entre les grandes puissances, la question énergétique pourrait bien devenir l’un des principaux défis à relever pour rendre cette révolution technologique compatible avec nos objectifs climatiques.
Carrefour-Soleil
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