Comment les pays riches accélèrent la disparition des espèces à l’autre bout du monde

Les pays les plus riches détruisent 15 fois plus de biodiversité à l'étranger que chez eux, exportant littéralement l'extinction des espèces vers les pays en développement.
Les pays développés, en important massivement du bœuf, de l'huile de palme, du bois et du soja, provoquent la destruction d'habitats naturels dans les pays tropicaux.

La demande insatiable des nations développées en bœuf, huile de palme et bois détruit la biodiversité mondiale. Une étude révèle que les impacts écologiques des grandes puissances économiques se font principalement ressentir dans les forêts tropicales, menaçant des milliers d’espèces.

La prochaine fois que vous mordrez dans un steak produit au Brésil ou utiliserez un meuble en bois « exotique » du Gabon, songez que ce geste apparemment anodin participe peut-être à l’extinction d’espèces à l’autre bout du monde. 

Une étude publiée dans Nature révèle une réalité glaçante : les pays les plus riches détruisent 15 fois plus de biodiversité à l’étranger que chez eux, exportant littéralement l’extinction des espèces vers les pays en développement.

Le mécanisme est aussi simple qu’implacable : les pays développés, en important massivement du bœuf, de l’huile de palme, du bois et du soja, provoquent la destruction d’habitats naturels dans les pays tropicaux. 

Les États-Unis arrivent en tête de ce sombre palmarès, responsables à eux seuls de 3 % de la destruction des habitats forestiers hors de leurs frontières. Suivent l’Allemagne, la France, le Japon, la Chine et le Royaume-Uni.

Cette destruction s’opère principalement dans les points chauds de la biodiversité, ces régions qui concentrent un nombre exceptionnel d’espèces endémiques. L’Indonésie, le Brésil et Madagascar, véritables coffres-forts de la biodiversité mondiale, en sont les principales victimes. Le processus est d’autant plus préoccupant que 90 % de la perte d’habitat dans le monde résulte de la conversion de zones sauvages en terres agricoles.

90 % de la perte d’habitat dans le monde résulte de la conversion de zones sauvages en terres agricoles.

Le paradoxe de la conservation

Plus troublant encore, une étude parallèle menée par l’université de Cambridge met en lumière un effet pervers de la conservation : lorsque des pays comme le Royaume-Uni transforment leurs terres agricoles en réserves naturelles, ils augmentent leur dépendance aux importations. Ce phénomène, baptisé « fuite de la biodiversité », peut s’avérer jusqu’à cinq fois plus dommageable pour la biodiversité mondiale que le statu quo.

La proximité géographique joue un rôle crucial dans cette dynamique. Les États-Unis impactent principalement l’Amérique centrale, tandis que la Chine et le Japon affectent davantage les forêts d’Asie du Sud-Est. L’étude, qui a analysé l’impact sur plus de 7 500 espèces d’oiseaux, mammifères et reptiles dépendant de la forêt entre 2001 et 2015, souligne que 80 % des terres agricoles concernées sont utilisées pour la production de viande et de produits laitiers.

Des solutions existent pourtant. Les chercheurs préconisent une réduction de la demande en produits à forte empreinte écologique, notamment le bœuf, et une conservation ciblée des zones les plus riches en biodiversité. Ils suggèrent également des approches innovantes, comme le développement d’un chocolat respectueux des forêts ou des pratiques d’élevage compatibles avec la protection d’espèces menacées comme le léopard des neiges.

Cette étude sonne comme un avertissement : dans notre monde globalisé, la préservation de la biodiversité ne peut plus se concevoir à l’échelle nationale. Chaque décision de consommation dans les pays riches a des répercussions en cascade sur les écosystèmes les plus fragiles de la planète. Une prise de conscience qui appelle à repenser en profondeur nos modes de consommation et nos stratégies de conservation.

Carrefour-Soleil

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