Quoi de neuf dans le décret migratoire signé par Donald Trump

Des manifestations de soutien aux immigrés risquent de reprendre de plus belle. Photo: DR

Comme il l’avait annoncé, le président américain a signé un nouveau décret interdisant l’entrée aux États-Unis des ressortissants de six des sept pays musulmans initialement visés par son premier décret bloqué par la justice. Qu’est-ce qui distingue le nouvel acte présidentiel de l’ancien ?

La nouvelle décision, qui entrera en vigueur le 16 mars, a beaucoup en commun avec la précédente. Elle concerne trois pays appartenant à la liste du département d’État des États «soutenant le terrorisme» – Iran, Syrie, Soudan – ainsi que trois autres identifiés sous l’administration Obama comme présentant un risque : Libye, Somalie et Yémen.

Donald Trump a évité de présenter lui-même son décret. Il a confié la tâche à trois des principaux membres de son administration, dont le secrétaire d’Etat Rex Tillerson. Ce dernier a voulu désarmorcer toute polémique en insistant sur l’aspect sécuritaire de la mesure. «Ce décret participe de nos efforts pour éliminer les vulnérabilités exploitées par les terroristes islamistes radicaux à des fins destructrices», a-t-il déclaré.

L’entourage de Donald Trump juge la nouvelle version du décret migratoire comme plus solide juridiquement. Il estime qu’il est de surcroît indispensable, dans la mesure où les services de contre-terrorisme – dont le FBI – doivent enquêter pour l’heure sur plus de 300 personnes entrées aux États-Unis en tant que réfugiés.

L’Irak épargné

L’Irak ne fait plus partie des pays ciblés. Bagdad a accepté de collaborer étroitement avec les autorités américaines en fournissant des informations détaillées sur ses citoyens demandant des visas. Pourtant le gouvernement irakien avait fermement condamné le décret bloqué par la justice américaine. «Nous avons reçu l’assurance du gouvernement irakien que nous serons en mesure de faire les vérifications nécessaires», a déclaré un haut-fonctionnaire du Département d’Etat.

Le porte-parole du ministère irakien des Affaires étrangères, Ahmed Jamal, a aussitôt publié un communiqué dans lequel il a exprimé sa « grande satisfaction après le décret publié par le président Donald Trump qui exempte les Irakiens de l’interdiction de voyager aux Etats-Unis. »

 

Le nouveau décret du président Trump ne pourra pas éviter la case Justice, comme le précédent.
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La règle du droit acquis

Le nouveau décret autorise tous les détenteurs de cartes vertes ou de visas déjà émis à entrer aux États-Unis.

Les binationaux (Franco-Iraniens ou Anglo-Yéménites, par exemple), ne seront plus inquiétés aux frontières américaines s’ils présentent un passeport français ou britannique. Mais une demande de visa est toutefois nécessaire.

L’organisation National Iranian American Council a d’ores et déjà réagi à l’annonce de cette décision en affirmant que l’administration Trump «ne cherche qu’à limiter les scènes de chaos dans les aéroports et non à réduire l’intolérance aux États-Unis ou à améliorer la sécurité».

120 jours sans réfugiés

La suspension de l’accueil des réfugiés est décrétée pour 120 jours, comme auparavant. Les réfugiés syriens, qui étaient bannis sine die, le sont à nouveau. Mais ceux dont le voyage aux États-Unis était déjà programmé auront le droit de venir.

Dans le premier décret, les réfugiés issus des minorités religieuses des sept pays interdits étaient considérés comme prioritaires dans le dispositif d’accueil américain, au détriment des personnes appartenant aux « majorités religieuses ». Cette mesure, jugée profondément discriminatoire par les opposants, est retirée du nouveau décret migratoire.

Critiques acerbes

Le secrétaire général d’Amnesty International, Salil Shetty, a réagi en affirmant que le 45ème président américain « piétine les valeurs que les Etats-Unis prétendaient longtemps représenter et menace d’anéantir les espoirs de milliers de réfugiés qui auraient dû bénéficier d’une réinstallation aux Etats-Unis. »

«Le seul moyen de remédier à l’interdiction d’entrée des musulmans est de ne pas avoir d’interdiction», a déclaré Omar Jadwat, directeur du projet des droits des immigrés à l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU).

«Malgré tous leurs efforts, je suis sûr que ce décret fera face aux mêmes obstacles dans les tribunaux que le précédent», a soutenu le chef de file des démocrates du Sénat, Chuck Schumer.

Visiblement, les réactions hostiles à cette mesure phare de l’administration Trump ne faiblissent pas malgré les « améliorations » consenties. La seconde version du décret migratoire sera vraissemblement attaquée dans les heures qui viennent en justice, comme la précédente.

 

La Rédaction

 


 

Les dates clés du décret migratoire de Donald Trump

Voici les principales dates de la bataille judiciaire et politique autour du décret migratoire de Donald Trump.

 Promulgation

Le 27 janvier, Donald Trump signe devant les caméras un décret de «Protection de la nation contre l’entrée aux États-Unis de terroristes étrangers».

Ce décret bloque l’entrée aux États-Unis des ressortissants de sept pays à majorité musulmane pour trois mois (Iran, Irak, Syrie, Soudan, Libye, Somalie, Yémen) et de tous les réfugiés pour quatre mois. Il n’y a pas de limite de temps pour les réfugiés syriens, dont l’entrée est bloquée indéfiniment.

Confusion dans les aéroports

L’entrée en vigueur du décret, le 27 janvier, sème la confusion dans les aéroports, où des centaines de passagers sont empêchés d’embarquer vers les États-Unis ou sont retenus, à leur arrivée, par les services américains de l’immigration.

Des manifestations de soutien, notamment à l’aéroport JFK de New York, mobilisent des milliers de personnes.

Premier recours en justice

Le 28 janvier, plusieurs associations américaines de défense des droits civiques, dont la puissante ACLU, attaquent le décret en justice et obtiennent d’un juge fédéral de New York qu’il empêche l’expulsion des personnes interpellées en vertu de ce décret.

Suspension par un juge fédéral

Le 3 février, James Robart, un juge fédéral de Seattle (État de Washington) émet une injonction temporaire qui bloque l’application du décret sur l’ensemble du territoire américain.

Les ressortissants des sept pays visés et les réfugiés munis d’un visa en règle peuvent de nouveau entrer aux États-Unis.

Rejet du recours du gouvernement

Le 5 février, la cour d’appel fédérale de San Francisco rejette l’appel de l’administration Trump et refuse de rétablir immédiatement l’application du décret migratoire.

Audience de la Cour d’appel

Le 7 février, la cour d’appel fédérale de San Francisco examine sur le fond le recours du président Trump contre la suspension de son décret.

Les avocats de l’administration Trump estiment que le décret contre l’immigration est un «exercice légal de l’autorité du Président».

Suspension maintenue

Le 9 février, la cour d’appel de San Francisco maintient la suspension du décret migratoire.

«Rendez-vous au tribunal, la sécurité de notre nation est en jeu», avait alors réagi Donald Trump sur Twitter.

Nouvelle version

Le 6 mars, Donald Trump signe une nouvelle version de son décret, qui n’entrera en vigueur que le 16 mars.

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