Covid-19: L’immunité collective remise en question aux Seychelles

Le vaccin n'est pas une barrière étanche contre la propagation du SarsCov-2 Photo: DR

Après avoir été félicitées pour le succès de leur campagne de vaccination anti-Covid qui a démarré dès janvier, les Seychelles se retrouvent aujourd’hui confrontées à une flambée épidémique. Les Seychelles, qui ont entièrement vacciné plus de 62 % de leur population, viennent de restaurer les mesures de restriction abandonnées le 25 mars. Elles resteront en vigueur jusqu’au 24 mai.

L’archipel de près de 100 000 habitants a enregistré un nombre record de cas actifs. Ils avaient plus que doublé depuis la semaine dernière pour atteindre 2 486 personnes. 37 % d’entre elles avaient reçu deux doses de vaccin. Les autres n’ont reçu qu’une seule dose ou ne sont pas vaccinés.

Plus de 57 % des personnes entièrement vaccinées ont reçu des doses du vaccin Sinopharm (50 000 ) produites en Chine et offertes par les Émirats arabes unis. Les autres ont reçu des doses de Covishield (100 000), un vaccin fabriqué en Inde sous licence d’Oxford/AstraZeneca. Au 8 mai, aucune personne ayant contracté le Covid-19 lors de sa vaccination n’était décédée, a rapporté l’Agence de presse des Seychelles, citant le ministre des affaires étrangères et du tourisme.

Toutefois, l’augmentation des infections quotidiennes conduit à une augmentation des admissions à l’hôpital. Les autorités sanitaires envisagent de multiplier le nombre de lits pour recevoir les patients.

Plus de quatre cinquièmes des cas actifs concernaient des Seychellois, le reste étant constitué d’étrangers.

 

Les Seychellois ont massivement répondu à l’appel de leur gouvernement pour se faire vacciner.
Photo: DR

 

Retour des restrictions

Les écoles ont été fermées et les activités sportives annulées pendant trois semaines. Les bars, restaurants et magasins doivent fermer plus tôt et certains rassemblements ont été interdits. Bref, le pays réimpose les restrictions similaires à celles décrétées à la fin de 2020.

« Malgré tous les efforts exceptionnels que nous déployons, la situation de Covid-19 dans notre pays est actuellement critique avec de nombreux cas quotidiens signalés la semaine dernière », a déclaré la ministre de la santé Peggy Vidot lors d’une conférence de presse le 4 mai.

Le déploiement rapide de la campagne de vaccination a permis aux Seychelles de caracoler en tête de liste des pays ayant vaccinés le plus leur population. Rassuré par ce succès vaccinal, le gouvernement seychellois communiquait déjà fin mars sur l’éventualité d’être le premier pays de la planète à atteindre l’immunité collective. Le président Wavel Ramkalawan avait publiquement annoncé que cet objectif pourrait être atteint à la mi-mars.

L’archipel, dont l’activité économique repose sur le dynamisme touristique (la contribution de ce secteur au produit intérieur brut est d’environ 65%), comptait beaucoup sur l’immunité acquise par ses citoyens afin de rouvrir ses frontières aux visiteurs de tous les pays du monde et enrayer les effets du choc économique et social provoqué par la pandémie de COVID-19.

La crise sanitaire est à l’origine d’une chute de plus de 60 % du tourisme, débouchant sur une contraction de l’économie ayant atteint -13,5 %.

 

L’archipel est le premier pays a essuyé un échec dans sa course pour l’immunité collective.
Illustration: Carrefour-Soleil

 

 Variants résistants aux vaccins ?

Les autorités sanitaires ignorent les causes de cette recrudescence intrigante des cas de contamination. Elles ont tenté de donner une première explication à la hausse des contaminations en évoquant les fêtes de Pâques qui auraient donné lieu à d’importants rassemblements familiaux. Des tests ont toutefois permis de détecter la présence de certains variants du coronavirus sur l’archipel.

Lors d’une conférence de presse tenue le 15 avril dernier, le commissaire à la santé publique, Jude Gedeon, a admis pour la première fois le séquençage génétique a prouvé que le variant B.1.351, identifié pour la première fois en Afrique du Sud, est responsable de plusieurs cas d’infection aux Seychelles, alors que les frontières avec l’Afrique du Sud sont restées fermées depuis l’année dernière.

Plusieurs spécialistes soupçonnent aussi la présence du variant B.1.617 (Inde), en raison des liens étroits entre les Seychelles et l’Inde. Environ 5% des Seychellois ont des origines indiennes et maintiennent des échanges actifs entre les deux pays, grâce à des liaisons aériennes fréquentes.

L’inefficacité des vaccins AstraZeneca et Sinopharm sur ces deux variants, classés parmi les plus inquiétants des milliers de mutants recensés à travers le monde, semble se vérifier avec la situation des Seychelles.

En effet, le vaccin Oxford/AstraZeneca est jugé moins efficace contre les formes légères à modérées causées par ces variants, selon plusieurs études. De même, le vaccin chinois Sinopharm, qui représentait environ 60% des doses administrées dans le pays mi-avril, jugé sûr et efficace par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), est sujet à controverse, à cause de l’insuffisance de données fournies par le fabricant.

Malgré tous ces doutes, la perte d’efficacité reste à ce jour difficile à quantifier, dans la mesure où parmi les malades, 65% des personnes infectées n’ont pas été vaccinées ou n’ont reçu qu’une dose, ce qui peut expliquer une partie des infections.

« Il est juste de dire que des taux de vaccination élevés ne suffisent pas nécessairement à enrayer une recrudescence des cas », a déclaré sur Twitter la mathématicienne Christina Pagel de l’University College London.

Cela veut dire que la vaccination de 60% de la population peut se révéler insuffisant afin d’atteindre une immunité collective, en particulier si les niveaux d’efficacité des vaccins utilisés sont inférieurs à ceux affichés par les vaccins à ARN (de l’ordre de 90% au moins).

Des données rapportées par certains chercheurs qui surveillent de près l’évolution de la vaccination en Israël, aux États-Unis et aux Émirats arabes unis – trois des pays champions en nombre de vaccinés – indiquent que les anticorps induits par la vaccination chez certains patients reconnaissaient le virus sans pour autant être capables d’empêcher une infection post-vaccinale.

De ce fait, il est utile de rappeler que des infections peuvent se produire après vaccination dans la mesure où aucun vaccin anti-Covid-19 n’assure une protection à 100 %.

Frank Kodbaye

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