Afrique : Le retour de la croissance molle

La Côte d'Ivoire, l'Éthiopie, le Sénégal et la Tanzanie forment la locomotive de la croissance africaine grâce à l'amélioration du climat des affaires et un niveau élevé des investissements.

Le Fonds monétaire International (FMI) annonce dans un rapport la baisse conséquente de la croissance économique des pays africains* en 2016. Les plus touchés sont ceux qui exportent les matières premières.

2016 est une année de la croissance molle pour les exportateurs de pétrole tels que le Nigéria, l’Angola. L’Afrique du Sud subit le même sort à cause de sa forte dépendance à ses exportations de charbon d’or et des diamants. Le FMI prévoit un taux de croissance moyen autour de 1,4% seulement à la fin de l’exercice en cours. C’est un niveau en deçà de celui de l’année précédente et le plus bas enregistré depuis 20 ans. L’institution de Bretton Woods évoque aussi la contraction du Produit intérieur brut (PIB) par habitant. Cette contreperformance est une première après 22 ans d’évolution positive sans discontinuité.

«L’environnement extérieur s’est détérioré pour beaucoup de pays de la région, notamment parce que les cours des produits de base sont à leur plus bas niveau depuis plusieurs années et les conditions financières se sont sensiblement durcies », a expliqué le directeur du Département Afrique du FMI, Abebe Aemro Selassie. Aussi a-t-il affirmé qu’un autre facteur a influé sur ce résultat décevant : « Un grand nombre des pays les plus touchés par ces chocs, les autorités ont réagi avec beaucoup de retard et de façon parcellaire, ce qui a eu pour effet de décourager l’investissement privé et d’empêcher de nouvelles sources de croissance de se développer.»

La baisse durable du prix du pétrole malmène les pays africains dépendants de cette matière première. Photo: DR
La baisse durable du prix du pétrole malmène les pays africains dépendants de cette matière première.
Photo: DR

Pluralité des trajectoires économiques

Toutefois, le rapport souligne que l’Afrique, en matière de croissance économique, est diverse. Les chiffres globaux ne reflètent pas la pluralité des trajectoires économiques des pays de ce continent. Les pays peu tributaires des exportations de matières premières, soit la moitié des pays de la région, continuent d’enregistrer de bons résultats et affichent des taux de croissance d’au moins 4 %. Ce résultat est la conséquence directe de la diminution de leur facture pétrolière, de l’amélioration du climat des affaires et du niveau élevé des investissements d’infrastructure. Le FMI cite en exemple la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Sénégal et la Tanzanie. Il prévoit pour ces pays un taux de croissance de plus de 6 % au cours des deux prochaines années.

Les champions des exportations de pétole que sont l’Angola, le Nigéria et presque tous les pays d’Afrique centrale connaîtront de fortes tensions économiques. Les perspectives à court terme de l’Afrique centrale inspirent plus d’inquiétude, malgré la légère hausse du prix du pétrole, selon les experts du FMI. « Dans ces pays, les répercussions du choc initial se propagent désormais au-delà du secteur pétrolier et touchent l’ensemble de l’économie, et le ralentissement de l’activité risque de se pérenniser », ont signalé les auteurs du rapport.

Les pays exportateurs de matières premières autres que le pétrole traversent aussi des moments difficiles. Dans cette catégorie figurent bien sûr l’Afrique du Sud, la Zambie, la République démocratique du Congo, le Ghana et le Zimbabwe. Dans plusieurs de ces pays, toutes les difficultés économiques ont été amplifiées par les effets d’une grave sécheresse touchant une bonne partie de l’Afrique orientale et australe.

Reprise en 2017 ?

Le FMI prédit une croissance en hausse (3%) dès 2017, à condition que les pays concernés réalisent un ajustement vigoureux et coordonné de leur économie. «Compte tenu de l’ampleur et de la persistance du choc, et comme les amortisseurs sont épuisés, un rebond de la croissance nécessitera un effort d’ajustement beaucoup plus soutenu, fondé sur un ensemble complet de politiques publiques formant un tout cohérent sur le plan interne afin de rétablir la stabilité macroéconomique», a souligné Abebe Aemro Selassie.

Pour que cette croissance molle ne s’installe durablement dans le paysage économique africain et éviter que les plus vigoureux ne soient contaminés par la morosité, le FMI met en garde sur leur niveau d’endettement. Ils ont considérablement augmenté leurs dépenses de développement. Ce n’est pas une mauvaise décision en soi, mais il est crucial d’être rigoureux sur « l’équilibre entre la nécessité d’accroître les dépenses d’investissement et le souci de préserver la viabilité de la dette », a conclu le rapport.

Frank Kodbaye

 

*Pays africains : le rapport couvre les pays africains au sud du Sahara. Une vieille habitude dans les institutions de Bretton Woods et autres organisations internationales qui divisent systématiquement le continent africain en deux zones. L’Afrique du nord est généralement rattaché au Moyen-Orient.

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