Fortune bien ou mal acquise est synonyme d’immigration facilitée dans l’espace européen. C’est le constat établi par un rapport sur la pratique abusive et dangereuse des « visas dorés ».
Il y a une trentaine d’années, une poignée d’îles Etats des Caraîbes ont forgé le concept de « visa doré » pour attirer des investisseurs. La pratique est à présent répandue dans le monde, surtout dans certains pays européens. Le phénomène s’amplifie et sape le contrôle de flux illégaux de capitaux.
Transparency International et Global Witness, deux ONG anti-corruption, ont publié le 10 octobre un rapport intitulé Dans le monde trouble des visas dorés dans lequel est décrit le programme de visas dorés ayant permis à des corrompus et criminels de trouver refuge en Europe.
Les auteurs du rapport ont mené des investigations dans quatre États membres qui vendent des passeports (Autriche, Bulgarie, Chypre et Malte) et douze autres qui délivrent des visas de résidence aux investisseurs étrangers.
6 000 nouvelles citoyennetés et environ 100.000 permis de résidence ont été octroyées en 10 ans. Les bénéficiaires de ces visas dorés n’ont été soumis à aucun contrôle sur l’origine de leur fortune. L’Espagne, la Hongrie, la Lettonie, le Portugal et le Royaume-Uni sont les champions en la matière. La Grèce, Chypre et Malte suivent le peloton de tête.
Ces programmes ont généré environ 25 milliards d’euros d’investissements directs étrangers, selon le rapport. En termes de revenus annuels, ce sont l’Espagne (976 millions d’euros), Chypre (914 millions), le Portugal (670 millions) et le Royaume-Uni (498 millions) qui se taillent la part du lion.
Le prix des visas varie en fonction du pays. Un permis de résidence peut coûter 250 000 euros en Grèce ou en Lettonie, alors qu’un passeport se négocie 2 millions à Chypre et jusqu’à 10 millions en Autriche. Proportionnellement parlant, ce sont les petits pays qui en profitent le plus.
Trois pays sortent du lot dans le rapport des ONG : Chypre, qui a engrangé 4,8 milliards d’euros depuis 2013 en vendant plus de 3 000 passeports à des citoyens russes, ukrainiens et syriens douteux ; Malte, environ 718 millions d’euros levés depuis 2014 ; et le Portugal, où plus de 17 000 permis de résidence, qui peuvent se convertir en citoyenneté après six ans, ont rapporté 4 milliards depuis 2012.
Jeux dangereux
« Ces programmes génèrent un risque sérieux pour les États membres et pour l’UE dans son ensemble. Tout d’abord, ils permettent à des individus corrompus, criminels ou ayant un profil risqué d’entrer dans l’UE. Ensuite, cela crée aussi un risque de corruption au sein même des États », souligne Laura Brillaud, de Transparency International.
Le Portugal, par exemple, ne se penche pas sur l’origine des fonds des demandeurs de visas, mais vérifie si ceux-ci font l’objet d’enquêtes dans d’autres pays.
Pour Laura Brillaud, le manque d’homogénéité dans les conditions d’octroi des visas représente d’autres menaces : « Le risque ultime est la fragilisation de l’intégrité et de la sécurité de l’UE découlant de l’absence de gouvernance liée à ces programmes. »
« Les passeports et visas européens ne sont pas une marchandise. L’argent ne devrait pas être la condition de l’obtention d’une citoyenneté ou de droits de résidence dans l’UE », estime Sven Giegold, porte-parole des Verts au Parlement européen sur les sujets fiscaux.
« Il faut mettre en place une loi européenne pour contrer la vente de ces droits et renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent », continue-t-il. « La Commission doit mettre en place des normes minimales pour ces programmes et s’assurer que tous les gouvernements les respectent quand ils octroient des passeports et des visas à des investisseurs. »
Suite à des plaintes, la Commission a lancé une enquête sur le sujet et devrait publier un rapport le mois prochain.
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