Décryptage

Virus Zika : grande peur et beaucoup d’incertitudes

Zika
Le moustique tigre, vecteur du virus Zika. Photo: Benhammad

La peur d’une nouvelle pandémie met en ébullition les médias du monde entier, disséminant un flux de confusions et contradictions autour du virus Zika et le moustique tigre, vecteur de la maladie. Qu’en sait-on au juste ?

Le Zika est une infection virale causée par un virus du même nom qui se propage par les piqûres de moustiques infectés (Aedes aegypti). Les symptômes peuvent inclure: fièvre, maux de tête, conjonctivite et éruptions cutanées, ainsi que douleurs articulaires et musculaires. La maladie est habituellement bénigne et ne dure que quelques jours.

Cette espèce de moustiques a une large répartition géographique, notamment sur le continent américain, le sud de l’Europe et les îles du Pacifique. L’absence d’immunité contre ce virus dans ces régions inquiète les autorités sanitaires et la population. Il n’y a pas de vaccin ni de tests de diagnostic rapides et fiables. Du coup, certains Etats déconseillent leurs ressortissants de voyager dans les pays à risque tandis que d’autres envisagent des « contrôles renforcés » aux frontières. Est-ce une mesure efficace contre la progression de l’épidémie ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) émet un avis mitigé. Elle a bel et bien déclaré un état d’urgence en reconnaissant la propagation « explosive » de Zika sur le continent américain. Des cas ont été notifiés dans 26 pays et territoires dans la région. « Le niveau d’alerte est extrêmement élevé», a indiqué Margaret Chan, directrice de l’OMS. Elle prévoit à moyen terme trois à quatre millions de cas dans le monde, essentiellement dans les Amériques. Mais l’institution onusienne se garde de parler de pandémie.

A ce stade, l’OMS préconise tout simplement la prévention. Elle consiste à lutter contre les moustiques, notamment en impliquant les communautés dans l’élimination des sites de reproduction ainsi que dans la planification de l’épandage d’insecticide et de l’élimination des larves en cas d’infestation. Les autorités sanitaires devront informer les populations à risque, notamment les femmes enceintes, sur la prévention des piqûres de moustiques et garantir le dépistage en laboratoire de la maladie à virus Zika et de ses complications neurologiques.

L’Organisation lance aussi un appel aux pays qui en ont les moyens d’intensifier la recherche en vue de comprendre la maladie à virus Zika et de mettre au point des vaccins et des tests de diagnostic.

Pas de restriction aux voyages

En s’appuyant sur des éléments de preuve disponibles, l’OMS ne recommande aucune restriction relatives aux voyages ou au commerce en raison de la maladie à virus Zika. Elle préconise juste aux gouvernements nationaux d’émettre des recommandations pour que les voyageurs se rendant dans des régions à haut risque se protègent contre les piqûres de moustiques à l’aide de produits répulsifs et en portant des chemises à manches longues et des pantalons de couleur claire, et veiller à ce que les pièces et les chambres soient équipées de moustiquaires.

Les femmes enceintes ou celles qui envisageant d’avoir un bébé doivent prendre des précautions supplémentaires pour se protéger contre les piqûres de moustiques, sans plus de précision. L’OMS recommande aux autorités sanitaires de collaborer avec le secteur des transports pour assurer la désinsectisation des avions en provenance des régions affectées.

Microcéphalie

Certains scientifiques brésiliens ont déclaré à plusieurs reprises qu’il y a bel et bien un lien causal entre la flambée de l’épidémie de Zika et la multiplication de naissance d’enfants atteints par la microcéphalie. Il est vrai que des chercheurs ont localisé le virus Zika dans le cerveaux de nouveau-nés, dans le liquide amniotique de femmes enceintes, dans l’urine ou la salive de certains malades. Toutefois l’OMS relativise et souligne qu’aucune étude actuelle n’établit la causalité avec certitude.

Les organismes sanitaires agrées sont toujours en train d’enquêter sur le lien éventuel entre microcéphalie et Zika. L’étude la plus avancée est menée par un groupe de virologues de l’Université du Texas (USA). Cette équipe est en train de mettre sur pied un système d’examen du sang de cordon ombilical pour les anticorps anti-Zika. Cette étude pourrait fournir dans les prochains mois l’idée de causalité que les scientifiques cherchent désespérément.

Cette prudence est également affichée par l’Organisation panaméricaine pour la santé (PAHO), branche régionale l’OMS. Elle a officiellement déclaré qu’il n’y a pas pour l’instant de lien prouvé entre Zika et la microcéphalie. Il y a juste une forte suspicion due à la flambée de l’épidémie et l’augmentation des troubles neurologiques et des malformations néonatales constatées dans les pays touchés.

Au fait, qu’est-ce que la microcéphalie ? C’est une anomalie qui touche les nouveau-nés naissant avec une tête plus petite que la normale. Ce phénomène empêche le développement du cerveau et expose les victimes à des troubles neurologiques toute leur vie.

Le Brésil en première ligne

Le Brésil est le pays le plus touché avec 1,3 million de cas environ et trois décès. Les services sanitaires de cet immense pays sont désemparés devant une telle flambée épidémique qui a démarré avec l’année 2015. Entre 2010 et 2015, ils recensaient en moyenne cent-cinquante cas par an. Sao Polo, ville tentaculaire abritant vingt millions de personnes est par conséquent sous une surveillance accrue des épidémiologistes. Elle est connue pour être le « paradis brésilien » des moustiques.

Pou montrer au monde entier qu’il lutte ardemment contre cette épidémie, le Brésil a mobilisé ses soldats. Deux cent vingt mille militaires ont été déployés dans les rues de Rio de Janeiro, pour distribuer des tracts et expliquer à la population comment venir à bout de ce moustique. Ils sont également chargés d’inspecter les maisons, vérifier les points d’eau puis éliminer l’eau stagnante comme celle de spots de fleurs, là où les moustiques prolifèrent.

Les autorités brésiliennes se veulent ainsi rassurer la communauté internationale et démentir les rumeurs sur l’annulation des Jeux olympiques prévus pour cet été.

Frank Kodbaye

Pour en savoir plus : http://www.who.int/mediacentre/factsheets/zika