Qui dit reggae, dit Toots !

L'étoffe d'un pionnier

Pour beaucoup de passionnés du reggae, Bob Marley, Peter Tosch, Burning Spear et Jimmy Cliff figurent tout en haut de la liste des pionniers. Pourtant, Toots Hibbert, décédé le 11 septembre à 77 ans, fut le concepteur méconnu de ce genre musical désormais inscrit au patrimoine immatériel de l’Humanité.

Si ce genre musical d’origine jamaïcaine est baptisé reggae, on le doit à Toots Hibbert qui, dès 1968, a enregistré et diffusé le titre Do the Reggay, avec la complicité de son groupe baptisé Toots and The Maytals.

Le single Do the Reggay fut le point de départ d’un nouveau style caractérisé par un ralentissement du tempo, au carrefour de plusieurs musiques, dont le ska et le rocksteady, deux genres populaires dans les Antilles britanniques des années soixante.

Toots Hibbert, faudrait-il le préciser, n’a pas inventé le terme reggae. Il l’a emprunté au patois jamaïcain. Et de fil en aiguille, le titre du tube a fini par désigner à la fois la musique et le pas de danse qui l’accompagne.

The Maytals étaient un trio vocal composé de Toots Hibbert, Henry « Raleigh » Gordon et Nathaniel « Jerry » Mathias. Le groupe a ensuite ajouté des instrumentistes tels que le bassiste Jackie Jackson et le batteur Paul Douglas. Ils se sont séparés au début des années 1980, mais la décennie suivante, Toots Hibbert a commencé à travailler avec une nouvelle formation baptisée tout simplement The Maytals.

Ancien boxeur, Frederick Nathaniel Hibbert – « Toots » est son surnom, attribué par ses amis d’enfance du quartier de Trenchtown, à Kingston – était à la fois chef d’orchestre, compositeur, multi-instrumentiste et showman, dont les concerts se terminaient en apothéose avec la présence de dizaines de danseurs sur scène. Il était aussi, de l’avis de beaucoup, le plus grand chanteur de reggae. Sa voix de ténor, chaude et rude, était comparée à celle d’Otis Redding. Cette comparaison avantageuse lui a permis d’être bien accueilli par des mélomanes américains. Funky Kingston et 54-46 That’s My Number, deux de ses compositions, ont contribué à populariser le reggae au pays de l’Oncle Sam.

Contrairement à Bob Marley, son ami, il avait horreur d’évoquer la politique dans ses chansons. Il préférait réveiller les consciences autour des questions sociales, la paix et la justice céleste.

 

Toots et son groupe en concert dans le comté de Marin en 2011, Californie (USA)
Photo: Eric Broder Van Dyke

Jouer son propre rôle au cinéma

Toots Hibbert et son groupe ont véritablement accédé à la célébrité après la sortie en 1972 du film The Harder They Come, dans lequel Jimmy Cliff incarne un Jamaïcain qui déménage à Kingston et rêve d’une carrière dans la musique. Cette petite production caribéenne a pu atteindre les États-Unis et faire un tabac, grâce à sa bande son. Celle-ci est souvent classée parmi les plus grandes de l’histoire du cinéma. Elle comprend les titres Pressure Drop et Sweet and Dandycomposés par The Maytals.  Toots Hibbert fait une apparition dans le film, où il joue son propre rôle, enregistrant Sweet and Dandy en studio alors que le personnage de Cliff le regarde avec admiration.

À la même époque, les Maytals signent avec le label anglais Island Records et sortent l’album Funky Kingston, que les spécialistes considèrent comme étant la production reggae la plus excitante et la plus diversifiée proposée par un seul groupe.

Au milieu des années 1970, Keith Richards, John Lennon, Eric Clapton et d’innombrables autres rock stars étaient devenus des fans de reggae. Beaucoup d’entre eux ont cherché à collaborer avec Toots Hibbert. Il a eu ainsi l’opportunité d’enregistrer avec certains d’entre eux. En 2005, l’album True Love, qui a remporté un Grammy, fut un hommage à Keith Richards, Bonnie Raitt, Ryan Adams et Jeff Beck.

Le chanteur reggae a également fait l’objet d’un documentaire de la BBC en 2011, Reggae Got Soul. Eric Clapton, Keith Richards et Willie Nelson ont pris part à cette production.

La carrière de Toots Hibbert a été interrompue en 2013 après avoir été blessé à la tête par une bouteille de vodka jetée lors d’un concert à Richmond, en Virginie (États-Unis). Après avoir vaincu une dépression, il a pu remonter sur scène l’année dernière. Son dernier album, Got To Be Tough, qui a bénéficié des contributions de Ziggy Marley et de Ringo Starr, vient juste d’être publié.

Plusieurs fois nommé aux Grammy, Toots Hibbert a été classé 71e sur une liste Rolling Stone, compilée en 2008, des 100 plus grands chanteurs contemporains. En 2012, il a reçu l’Ordre de distinction du gouvernement jamaïcain pour sa contribution exceptionnelle à la musique du pays.

 

Frank Kodbaye

Toots a eu un parcours artistique digne d’une légende.

Be the first to comment

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*