L’Europe de l’Est limite drastiquement le passage des réfugiés

De moins en moins d'accès en Europe pour les réfugiés et migrants syriens, afghans et autres. Crédit:123RF/Sangoiri

Un accord passé la semaine dernière entre responsables des polices d’Autriche, de Croatie, d’ex-République yougoslave de Macédoine, de Serbie et de Slovénie oblige les Etats signataires à limiter l’accueil des réfugiés et migrants à 580 personnes par jour.

Mis au parfum de l’existence de cet accord, le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a fait part de « sa grave préoccupation face aux mesures de sécurité adoptées ».

« Suite à l’adoption de ces mesures la semaine passée, le traitement des réfugiés et des migrants qui se déplacent dans certains de ces pays semblent avoir déjà changé, avec des conséquences très négatives pour les droits de l’homme », a-t-il déclaré dans un communiqué de presse.

Plusieurs rapports publiés par des organisations non gouvernementales et l’ONU font état des expulsions en chaîne dans les Balkans en direction de la Grèce, porte d’entrée des réfugiés et migrants. Ces rapports soulignent que des centaines d’Afghans seraient bloqués dans des conditions effroyables depuis plus de cinq jours à la frontière entre l’ex-République yougoslave de Macédoine et la Serbie, et beaucoup d’autres Afghans ont été empêchés d’entrer dans l’ex-République yougoslave de Macédoine depuis la Grèce, apparemment sur la seule base de leur nationalité.

Le fait de ne pas présenter les documents de voyage valables justifierait le refus à l’entrée sur le territoire des pays indiqués. « Le fait qu’une personne possède ou pas un document particulier n’a aucune incidence sur le fait que cette personne soit un réfugié ou n’en soit pas un », a dit Zeid Ra’ad Al Hussein. Il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles un réfugié peut être contraint de fuir son pays sans document valide de voyage. L’absence d’un tel document ne devrait jamais être une raison pour refuser l’accès à une procédure d’asile », a souligné le Haut-Commissaire.

Il s’est dit particulièrement troublé par le fait que « cet accord semble permettre l’expulsion collective de non-nationaux, acte explicitement interdit par le droit international ».

De moins en moins d'accès en Europe pour les réfugiés et migrants syriens, afghans et autres. Crédit:123RF/Sangoiri
De moins en moins d’accès en Europe pour les réfugiés et migrants syriens, afghans et autres. Crédit:123RF/Sangoiri

L’interdiction des expulsions collectives permet à tout non-national un examen individuel de tous les arguments s’opposant à son renvoi. Ceci représente une garantie de procédure équitable pour empêcher des expulsions arbitraires de non-nationaux. Un élément intégral du droit à la protection contre les expulsions collectives et du droit d’accès à des réparations effectives est qu’une expulsion est suspendue jusqu’à ce que sa conformité avec le droit international soit définitivement établie.

Profilage des personnes

L’accord, exposé dans une déclaration conjointe des chefs des services de police des cinq pays, a été publié le 18 février et semble autoriser le profilage des personnes et limiter les entrées sur une base humanitaire, uniquement en fonction de la nationalité et de la possession de documents d’identité, plutôt que sur une évaluation individuelle du besoin des personnes d’obtenir l’asile ou une autre forme de protection internationale pour garantir leurs droits.

L’accord établit des critères extrêmement étroits pour autoriser l’entrée – fuir la guerre – sans mentionner la persécution, qui constitue pourtant un élément clef de reconnaissance des réfugiés en vertu de la Convention de 1951 sur les réfugiés, de son Protocole de 1967 et d’autres dispositions du droit international relatives à cette question. Cette approche restrictive semble aussi invalider un certain nombre d’autres motifs légitimes pouvant permettre à une personne d’entrer sur le territoire d’un autre Etat – par exemple, selon les circonstances, la réunification familiale – en vertu du droit international et européen des droits de l’homme.

«De manière inquiétante, étant donné que le devoir premier de la police est de protéger les personnes, l’accord ne contient aucune mesure destinée à protéger les femmes, les enfants et les hommes extrêmement vulnérables qui sont en mouvement. Il n’y a, par exemple, pas la moindre mention de mesures spéciales pour protéger les personnes qui pourraient être particulièrement exposées à des risques de violations des droits de l’homme, notamment les enfants, les personnes handicapées, les personnes LGBT, les personnes âgées et les victimes de torture, de violence basée sur le genre ou de trafic », a dit Zeid Ra’ad Al Hussein. « Au lieu de cela, l’accord semble être uniquement concerné par l’application de limites strictes pour l’entrée de personnes voyageant sur la dite route terrestre des Balkans et par l’organisation du “transfert contrôlé de migrants”, sans les garanties nécessaires ».

L’adoption de ces mesures de police fait suite à l’annonce, par le gouvernement de l’Autriche, de limites portant à la fois sur le nombre de réfugiés à accepter en 2016 et sur le nombre de personnes qui seront autorisées à transiter par le pays.

« Ces mesures exacerbent le chaos et la misère sur toute la ligne, en particulier en Grèce, un pays déjà débordé. La fermeture des frontières en amont fait peser une pression considérable sur le pays qui a le plus besoin d’aide. Cela pourrait avoir des conséquences inattendues et dévastatrices sur la Grèce et sur les très nombreuses personnes présentes sur son sol. J’exhorte les cinq pays signataires de

l’accord de la semaine passée à réviser avec précaution l’approche de leurs forces de police et à la mettre en conformité avec le droit international », a dit M. Zeid.

Khader Neka