Cuba: Castro s’en va, le castrisme persiste

Miguel Diaz-Canel Bermudez doit sauver le castrisme sous la surveillance de la famille Castro. Photo: DR

Candidat unique à la succession de Raul Castro, Miguel Diaz-Canel Bermudez, est officiellement élu nouveau président cubain par l’Assemblée nationale du pays, ce jeudi 19 avril. Il a pour mission de rafraîchir le visage de la révolution cubaine en poursuivant la transformation économique esquissée par son prédécesseur, sans toucher aux fondations d’un système politique conçu par Fidel Castro.

Beaucoup d’analystes s’attendaient à une succession de type dynastique, pronostiquant l’accession à la présidence d’un autre membre de la famille Castro, à l’instar du régime nord-coréen. Raul avait le choix de passer le témoin à sa fille Mariela (parlementaire) ou son fils Alejandro, colonel dans l’armée.

Mais l’octogénaire a compris que les acquis de la révolution seront mieux défendus par un militant dévoué, intransigeant et membre expérimenté du Parti communiste cubain (PCC) plutôt que de miser sur une personnalité dont la seule garantie repose sur sa filiation.

La population de cette grande île caribéenne, bien que formatée par six décennies de castrisme, n’est pas disposée à subir un régime dynastique qui ne parvient plus à relancer son « économie administrée ». Elle a connu en 2016 la première récession depuis une vingtaine d’année (-0,9%), malgré l’assouplissement de l’embargo commercial imposé par les États-Unis et l’augmentation des échanges avec l’Amérique latine (Vénézuela, Brésil et Mexique).

La Havane n’arrive plus à faire taire les critiques internes qui pointent du doigt l’absence de réformes structurelles qui barre l’accès à la propriété des moyens de production aux Cubains. Les investisseurs étrangers sont pour l’instant les seuls à profiter de la conversion du pays à une économie mixte. Les locaux sont cantonnés au rôle de cuentapropistas (petits autoentrepreneurs). Les remesas, les fonds envoyés par sa diaspora (plus d’un million d’individus vivant aux États-Unis) ne peuvent soutenir efficacement l’essor social, car ils sont lourdement taxés.

Raul Castro a testé la loyauté de son successeur pendant 9 ans.
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Le choix du chef

Numéro deux de l’exécutif cubain depuis cinq ans, Miguel Diaz-Canel Bermudez est le protégé de Raul Castro. Agé de 57 ans, le nouveau chef de l’État, élu à l’unanimité par le parlement cubain, n’a pas eu de rival, sur décision de son mentor, Raul Castro. Ce dernier l’a fait entrer au gouvernement en 2009 en tant que ministre de l’Enseignement supérieur, dès son accession à la présidence.

Ingénieur en électronique, Miguel Diaz-Canel Bermudez a commencé sa carrière politique très tôt au sein de l’Union de la jeunesse communiste. Son parcours s’est consolidé à la tête de la section du PCC de Villa Clara. Puis, Il peaufine son image de « fidèle gardien de la Révolution » dans la province de Holguin, dans la partie orientale de l’île. Sa fidélité aux idéaux de la Révolution cubaine est récompensée par l’accession au premier cercle du parti (Bureau politique) en 2003.

A la Havane, il éclipse d’autres dirigeants de sa génération et devient le bras droit préféré de Raoul Castro. Ce dernier le nomme premier vice-président en 2013. Un poste à haut risque, car convoité par tous ceux qui caressent l’espoir de prendre la succession des Castro. Miguel Diaz-Canel Bermudez ne commet pas de faute, s’exprimant très peu dans la presse. Sa prise de parole publique se limitait aux allocutions vantant les bienfaits de la Révolution et la continuité du régime, à l’intérieur du pays ou à l’étranger.

Monsieur Diaz-Canel Bermudez a « clairement fait savoir qu’il ne sera pas l’homme du changement et qui est arrivé à ses fins en exécutant les ordres impeccablement », a observé Francisco Perdomo, expert cubain en relations internationales. Le nouveau président exercera d’ailleurs son mandat de cinq sous la supervision de Raul Castro qui conserve le poste de secrétaire général du parti jusqu’en 2021.

«Raul a l’expérience, le leadership, et la reconnaissance pour conseiller le gouvernement et donner une cohérence au travail politique du parti en fonction des changements à mener», a écrit Esteban Morales, politologue cubain.

Mais la crise économique et la pression de plus en plus forte de la diaspora pour un changement de régime pourraient forger un autre destin pour Miguel Diaz-Canel Bermudez. Tout dépendra de son habileté à offrir une sortie honorable à la vieille garde de la Révolution et une réforme économique qui séduise d’emblée la majorité des Cubains.

Frank Kodbaye

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