Vénus cache-t-elle des organismes vivants dans ses nuages ?

la vie sur Vénus n'est soudainement plus la plus inimaginable des possibilités. Image: DR

Pour la première fois, une équipe de scientifiques a détecté dans l’atmosphère toxique de la planète Vénus la présence d’un gaz nommé phosphine. C’est une molécule connue comme étant la marque de la présence d’organismes vivants. Une découverte qui replace la sœur jumelle de la Terre au premier rang des astres susceptibles d’abriter la vie extraterrestre.

Avec une atmosphère saturée en gaz carbonique (97%), une température de surface autour de 470°C et une pression plus de 90 fois plus grande que celle de la Terre, Vénus n’avait plus les faveurs des astronomes chasseurs de vie extraterrestre. Aucune sonde ne lui a rendu visite depuis des décennies. Soudainement, la vie sur Vénus n’est plus la plus inimaginable des possibilités.

Ce rebondissement, on le doit à la curiosité presque instinctive d’une équipe internationale de scientifiques (Royaume-Uni, États-Unis, Japon). Elle a pu détecter une signature spectrale unique à la phosphine (phosphure d’hydrogène, de formule PH3), produite par des organismes vivants. La déduction logique, après analyse des données et de la géologie de cette planète située à quelque 41 millions de kilomètres de la Terre, a conduit les chercheurs à estimer que ce gaz est présent uniquement dans les couches nuageuses de l’astre le plus brillant dans notre ciel nocturne après la Lune.

Publié dans les revues  Nature Astronomy et Astrobiology, l’article détaillant les observations de l’équipe dirigée par Jane Greaves de l’Université de Cardiff, indique que la découverte a été possible grâce aux signaux lumineux captés par deux puissants télescopes, le James Clerk Maxwell, à Hawaii et l’ALMA au Chili.

Les chercheurs ont pu observer la concentration de 5 à 20 parties par milliard de molécules de phosphine dans une bande de l’atmosphère vénusienne située à une altitude allant de 48 à 60 km, où les températures varient entre 0 et 193 °C, soit la partie la plus tempérée de l’atmosphère de cette planète. La condensation est jugée supérieure à celle présente dans l’atmosphère terrestre. Les chercheurs n’ont pas trouvé une explication crédible et définitive à ce phénomène, d’autant plus que l’atmosphère saturée en acide sulfurique de Vénus devrait plutôt accélérer la dégradation de la phosphine.  Y aurait-il une source émettant régulièrement ce gaz ? Cette question fondamentale n’a pas de réponse pour l’instant.

« C’était une expérience faite par pure curiosité », a déclaré Jane Greaves. « Je pensais que nous pourrions simplement écarter les scénarios extrêmes, comme le fait que les nuages soient remplis d’organismes. Quand nous avons eu les premiers indices de phosphine dans le spectre de Vénus, ce fut un choc », a-t-elle commenté.

Intriguée par cette découverte, Jane Greaves a alors pris contact avec sa collègue Clara Sousa-Silva du département d’Earth, Atmospheric and Planetary Sciences du Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui a consacré une bonne partie de sa carrière à étudier ce gaz toxique qu’est la phosphine, aussi appelée hydrure de phosphore.

Deuxième planète la plus proche du soleil, Vénus a longtemps traîné la réputation de planète inhospitalière.
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Formes de vie anaérobies

Après analyse des données, elle a confirmé le fait que le phénomène observé sur Vénus par l’équipe de Jane Greaves était une biosignature de formes de vie anaérobies (sans oxygène), susceptible de se manifester sur des planètes rocheuses tournant autour du soleil. « Sur des planètes rocheuses, la phosphine est une molécule très difficile à produire en l’absence de vie. Sur terre, elle est fabriquée naturellement par des bactéries, ou artificiellement par les humains », a-t-elle précisé dans une vidéo publiée par le MIT.

Toutefois, certains scientifiques intéressés par le sujet mais n’ayant pas pris part à cette étude ont réagi avec une excitation prudente. C’est le cas de Laura McKemmish, spectroscopiste à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud. Elle a dans un premier temps indiqué que « ce travail de recherche marque le début d’une nouvelle ère dans la recherche de la vie extraterrestre », avant d’inviter ses collègues à la prudence. « Les scientifiques ne savent pas encore comment expliquer l’abondance observée de la molécule de phosphine dans les conditions des nuages de Vénus sans vie », a-t-elle déclaré.

L’équipe a effectivement évalué une série de moyens non biologiques qui auraient pu générer de la phosphine dans l’atmosphère vénusienne. Mais aucun des processus, tels que les éruptions volcaniques, la foudre ou les réactions photochimiques impliquant des minéraux de la surface de la planète n’aurait pu produire jusqu’à 0,01 % des niveaux de phosphine identifiés, ont déclaré les chercheurs.

Dans l’hypothèse où la vie sous forme microbienne serait possible dans l’atmosphère de Vénus, elle serait tout de même différente de celle observable sur Terre. Car, Vénus, comme on le sait,  possède la surface la plus chaude de toutes les planètes du système solaire.

En poussant jusqu’au bout cette théorie, des microbes auraient pu se développer à l’intérieur de gouttelettes liquides dans les nuages vénusiens au-dessus de 50 km, puis s’enfoncer dans les couches plus chaudes de l’atmosphère en dessous de 48 km, où ils se dessèchent. Les « spores » dériveraient alors vers le haut, se réhydrateraient et repeupleraient les couches supérieures plus hospitalières.

Pas un signe certain de vie

La présence de phosphine n’est pas un signe certain de vie, a affirmé le co-auteur de l’étude, Sukrit Ranjan, un scientifique spécialiste des planètes au Massachusetts Institute of Technology. Il a laissé entendre que la chimie de la phosphine comporte encore beaucoup de zones d’ombre.

Les observations de l’équipe de Jane Greaves  sont « curieuses et inexpliquées », a déclaré  Lewis Dartnell, astrobiologiste réputé de l’université de Westminster. Sceptique, il conteste subrepticement le fait que les micro-organismes vivants soient responsables de la présence de la phosphine dans l’atmosphère de Vénus. Il a néanmoins admis que ses collègues ont découvert « une nouvelle chimie atmosphérique intéressante ».

L’équipe de Jane Greaves a eu l’honneteté de mentionner dans son étude que la détection de phosphine n’est pas en soi une preuve solide de la présence d’une vie microbienne sur la planète Vénus. Le phénomène observé indique seulement que des processus géologiques ou chimiques potentiellement inconnus se produisent sur cette planète.

D’autres observations et modélisations seront nécessaires, ont-ils ajouté, pour mieux explorer l’origine du gaz dans l’atmosphère de Vénus. Néanmoins, cette nouvelle a le mérite de raviver l’intérêt de certaines grandes agences spatiales pour l’exploration de Vénus. La NASA vient de rappeler qu’elle prévoit de développer quatre missions dont le projet Davinci+ consacré à l’analyse de l’atmosphère de la cette planète pour mieux comprendre comment elle a été créée et comment elle évolue. L’administrateur de la NASA, Jim Bridenstine, a déclaré qu’il était « temps de donner la priorité à Vénus », manifestant ainsi son enthousiasme vis-à-vis de cette nouvelle découverte.

L’Agence spatiale européenne (ESA) envisage, elle aussi, de lancer une sonde qui permettrait de déterminer l’histoire géologique, les activités tectoniques et l’observation des gaz volcaniques de la sœur jumelle de la Terre. La compétition ne fait que commencer.

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