Nobel de la paix : Deux icônes de la lutte contre le viol de guerre à l’honneur

Icônes de la lutte contre le viol de guerre.

Le comité Nobel norvégien a attribué vendredi le prix Nobel de la paix au gynécologue congolais Denis Mukwege et à l’ancienne captive de l’État islamique Nadia Murad, militante de la cause des femmes yézidies.

Ces deux personnalités sont des symboles puissants de l’activisme contre les violences sexuelles qui touchent des millions de femmes dans les pays en guerre et ailleurs.« Denis Mukwege et Nadia Murad ont tous les deux risqué leur vie en luttant courageusement contre les crimes de guerre et en demandant justice pour les victimes », a déclaré́ la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen.

Denis Mukwege, gynécologue de formation, est une figure réputée de la chirurgie réparatrice et de la reconstitution chirurgicale des organes génitaux féminins. Dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ce médecin risque sa vie tous les jours en volant au secours de femmes victimes de viols de masse et mutilations génitales. Ces actes barbares sont devenus une tactique de guerre courante dans cette région infestée par différentes factions armées qui se disputent les richesses minérales.

Dr Denis Mukwege au chevet d’une de ses patientes à Bukavu
Photo:DR

Sa clinique de Bukavu (province du Sud-Kivu) constitue l’unique sanctuaire pour des femmes gravement mutilées. Denis Mukwege et son équipe y ont procédé à plus de 40 000 opérations chirurgicales depuis une vingtaine d’années. Ce chiffre illustre l’ampleur des crimes.

Le gynécologue ne se contente pas de « réparer » les femmes violées et mutilées. Il dénonce régulièrement les responsables de cette barbarie. A plusieurs reprises, il a montré du doigt les commanditaires de viols de masse. Ils sont issus d’obscurs groupes rebelles, mais aussi des rangs de l‘armée congolaise

Denis Mukwege avait déjà reçu le prix des Droits de l’Homme des Nations unies, le Prix Nobel alternatif en 2013, ou encore le prix Sakharov. La célébrité attise l’animosité des seigneurs de guerre locaux. Il a échappé à plusieurs tentatives d’assassinat. Il a dû quitter temporairement son pays avant de revenir s’occuper de ses patientes. Toujours menacé, le docteur Mukwege vit sous la protection permanente de soldats de la Mission des Nations unies au Congo (MONUSCO).

« L’homme cesse d’être homme lorsqu’il ne sait plus donner l’amour et ne sait plus donner l’espoir aux autres», déclarait-il en 2015 au personnel de sa clinique. Des mots qui motivent son entourage, exposé quotidiennement aux risques d’attentat. Mais ce médecin ne peut plus se taire. Les dégâts de cette épidémie de violence qu’il constate tous les jours sur ses patientes le poussent à hurler sa colère partout où il peut être entendu. Il veut prendre le monde à témoin, pour que nul n’ignore les conséquences humaines de la très sale guerre pour le contrôle des minerais en République démocratique du Congo.

Echappée de l’enfer de Daesh
La deuxième lauréate, Nadia Murad, a 25 ans. Elle est l’une des 3000 femmes yézidies réduites en esclaves sexuelles par des combattants de l’État islamique en Irak. En 2014, les djihadistes sont entrés dans le village de Nadia Murad, dénommé Kocho. Ils ont tué des hommes, transformé en enfants-soldats les plus jeunes et condamné des milliers de femmes aux travaux forcés et à l’esclavage sexuel.

La cause des femmes yézidies est dignement défendue par Nadia Murad.
Photo: DR

Vendue sur un marché de Mossoul, Nadia Murad a subi plusieurs viols. Elle a été forcée de renier sa religion. Pour le groupe islamiste, les Yézidis qui pratiquent une religion ésotérique ancestrale, différente de l’islam, sont des hérétiques condamnés à disparaître.

Après avoir pu fuir vers le Kurdistan irakien avec de faux papiers, Nadia Murad s’est éveillée au militantisme et a pu rejoindre sa sœur en Allemagne, où elle vit toujours. Celle qui a perdu six de ses frères et sa mère durant ce confit entend faire reconnaître les persécutions commises en 2014 comme un génocide.

Avec courage, elle parcourt le monde et livre un témoignage poignant de son calvaire. Elle ne cesse de rappeler que de milliers de filles comme elles sont toujours retenues en esclavage. Tant que l’État islamique occupera quelques bouts du territoire irakien et syrien, les Yezidis n’auront pas la paix.

Les djihadistes ont voulu « prendre notre honneur mais ils ont perdu», a déclaré Nadia Murad, lors d’un discours devant le parlement européen. Elle a été nommée récemment « ambassadrice de l’ONU pour la dignité́ des victimes de la traite d’êtres humains. En 2016, elle avait obtenu le prix Sakharov.

Ces deux lauréats ont été choisis parmi 331 nommés. Ils recevront leur prix à Oslo (Norvège) le 10 décembre, au cours d’une cérémonie présidée par le roi norvégien Harald V. Chacun des nobélisés se verra remettre une médaille d’or, un diplôme et un chèque de 9 millions de couronnes suédoises (environ 992 914 dollars).

Carrefour-Soleil

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